STAGIONE D’OPERA E DI BALLETTO 2019-2020

 

 

 

 

Georges Bizet

CARMEN

 

 

Libretto digitale

 

abbinato al volume n. 223 della collana «I Libretti» del Teatro Regio

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Indice

 

Locandina

Acte I

Scène I

{ n. 1 - Scène et Chœur }

{ n. 2 - Scène et Pantomime }

Scène II

{ n. 3 - Chœur des gamins }

Scène III

{ Dialogue }

Scène IV

{ n. 4 - Chœur des cigarières }

Scène V

{ n. 5 - Scène et Habanera }

{ n. 6 - Scène }

Scène VI

{ Dialogue }

Scène VII

{ n. 7 - Duo }

{ Dialogue }

Scène VIII

{ n. 8 - Chœur }

Scène IX

{ Dialogue }

{ n. 9 - Chanson et Mélodrame }

Scène X

{ n. 10 - Séguedille et Duo }

Scène XI

{ n. 11 - Final }

 

Atto I

Scena I

{ n. 1 - Scena e Coro }

{ n. 2 - Scena e Pantomima }

Scena II

{ n. 3 - Coro dei monelli }

Scena III

{ Dialogo }

Scena IV

{ n. 4 - Coro delle sigaraie }

Scena V

{ n. 5 - Scena e Habanera }

{ n. 6 - Scena }

Scena VI

{ Dialogo }

Scena VII

{ n. 7 - Duetto }

{ Dialogo }

Scena VIII

{ n. 8 - Coro }

Scena IX

{ Dialogo }

{ n. 9 - Canzone e Melologo }

Scena X

{ n. 10 - Seguidilla e Duetto }

Scena XI

{ n. 11 - Finale }

{ Entr’acte }

 


 

Acte II

Scène I

{ n. 12 - Chanson bohème }

{ Dialogue }

{ n. 13 - Chœur }

{ Dialogue }

Scène II

{ Dialogue }

{ n. 14 - Couplets }

{ Dialogue }

{ n. 14 bis - Sortie d’Escamillo }

Scène III

{ Dialogue }

Scène IV

{ n. 15 - Quintette }

{ Dialogue }

{ n. 16 - Chanson }

{ Dialogue }

Scène V

{ Dialogue }

{ n. 17 - Duo }

Scène VI

{ n. 18 - Final }

{ Intermezzo }

 

Atto II

Scena I

{ n. 12 - Canzone gitana }

{ Dialogo }

{ n. 13 - Coro }

{ Dialogo }

Scena II

{ Dialogo }

{ n. 14 - Strofe }

{ Dialogo }

{ n. 14 bis - Uscita di Escamillo }

Scena III

{ Dialogo }

Scena IV

{ n. 15 - Quintetto }

{ Dialogo }

{ n. 16 - Canzone }

{ Dialogo }

Scena V

{ Dialogo }

{ n. 17 - Duetto }

Scena VI

{ n. 18 - Finale }

{ Entr’acte }

 

Acte III

Scène I

{ n. 19 - Sextuor et Chœur }

{ Dialogue }

Scène II

{ n. 20 - Trio }

Scène III

{ Dialogue }

{ n. 21 - Morceau d’ensemble }

Scène IV

{ Dialogue }

Scène V

{ n. 22 - Air }

{ Dialogue }

Scène VI

{ n. 23 - Duo }

Scène VII

{ n. 24 - Final }

{ Intermezzo }

 

Atto III

Scena I

{ n. 19 - Sestetto e Coro }

{ Dialogo }

Scena II

{ n. 20 - Terzetto }

Scena III

{ Dialogo }

{ n. 21 - Pezzo d’assieme }

Scena IV

{ Dialogo }

Scena V

{ n. 22 - Aria }

{ Dialogo }

Scena VI

{ n. 23 - Duetto }

Scena VII

{ n. 24 - Finale }

{ Entr’acte }

 

Acte IV

Scène I

{ n. 25 - Chœur }

{ Dialogue }

{ n. 26 - Marche et Chœur }

Scène II

{ n. 27 - Duo et Chœur final }

{ Intermezzo }

 

Atto IV

Scena I

{ n. 25 - Coro }

{ Dialogo }

{ n. 26 - Marcia e Coro }

Scena II

{ n. 27 - Duetto e Coro finale }

 

 

 

 

 


Carmen

opéra-comique en quatre actes

 

paroles de

Henri Meilhac et Ludovic Halévy

 

tiré de la nouvelle de

Prosper Mérimée

 

musique de

Georges Bizet

 

 

Don José, brigadier       ténor

Escamillo, toréador        baryton

Le Dancaïre, contrebandier       baryton

Le Remendado, contrebandier                ténor

Moralès, brigadier         baryton

Zuniga, lieutenant         bas

Carmen, bohémienne   mezzo-soprano

Micaëla, paysanne         soprano

Frasquita, bohémienne               soprano

Mercédès, bohémienne              mezzo-soprano

Un bohémien   bas

Une marchande des oranges  contralto

Lillas Pastia, aubergiste              rôle parlé

Un guide            rôle parlé

Un soldat            rôle parlé

Un vieux monsieur         figurant

Sa jeune épouse              figurant

Un jeune homme, l’alcade         figurant

 

Soldats, jeunes gens, hommes du peuple, cigarières, bohémiennes, bohémiens, marchands ambulants, gamins, etc.

 

En Espagne, vers 1820.

 

Carmen

opéra-comique in quattro atti

 

libretto di

Henri Meilhac e Ludovic Halévy

 

dalla novella di

Prosper Mérimée

 

musica di

Georges Bizet

 

 

Don José, brigadiere    tenore

Escamillo, toreador        baritono

Il Dancairo, contrabbandiere    baritono

Il Remendado, contrabbandiere             tenore

Morales, brigadiere       baritono

Zuniga, tenente               basso

Carmen, zingara             mezzosoprano

Micaela, contadina        soprano

Frasquita, zingara         soprano

Mercedes, zingara         mezzosoprano

Uno zingaro      basso

Una venditrice d’arance            contralto

Lillas Pastia, locandiere              ruolo parlato

Una guida          ruolo parlato

Un soldato         ruolo parlato

Un vecchio signore       comparsa

La sua giovane sposa    comparsa

Un giovanotto, l’alcalde               comparsa

 

Soldati, giovanotti, popolani, sigaraie, zingare, zingari, venditori ambulanti, monelli, ecc.

 

 

In Spagna, intorno al 1820.

 

 

[Traduzione di Maria Teresa Giaveri, per gentile concessione della Fondazione Teatro alla Scala di Milano. Libretto in versione integrale.]


{ Prélude }

 

Acte I

 

Une place, à Séville.

À droite la porte de la manufacture de tabac. Au milieu une fontaine. Au fond un pont praticable. À gauche le corps de garde.

 

Scène I

Moralès, Micaëla, soldats, passants.

Au lever du rideau, le brigadier Moralès et les soldats sont groupés devant le corps de garde. Mouvement de promeneurs sur la place.

 

{ n. 1 - Scène et Chœur }

dragons

Sur la place

Chacun passe,

Chacun vient, chacun va;

Drôles de gens que ces gens-là!

 

moralès (nonchalamment)

À la porte du corps de garde,

Pour tuer le temps,

On fume, on jase, l’on regarde

Passer les passants.

Sur la place etc.

 

dragons

Sur la place etc.

 

moralès

Drôles de gens!

(Entrée de Micaëla.)

Regardez donc cette petite

Qui semble vouloir nous parler…

Voyez! Elle tourne… elle hésite…

 

dragons

À son secours il faut aller!

 

moralès (à Micaëla, galamment)

Que cherchez-vous, la belle?

 

micaëla (simplement)

Moi, je cherche un brigadier.

 

moralès (avec emphase)

Je suis là…

Voilà!

 

micaëla

Mon brigadier, à moi, s’appelle

Don José. Le connaissez-vous?

 

moralès (légèrement)

Don José? Nous le connaissons tous.

 

micaëla (vivement)

Vraiment? Est-il avec vous, je vous prie?

 

moralès

Il n’est pas brigadier dans notre compagnie.

 

micaëla (désappointée)

Alors, il n’est pas là?…

 

moralès

Non, ma charmante, il n’est pas là;

Mais tout à l’heure il y sera.

Il y sera quand la garde montante

Remplacera la garde descendante.

 

moralès, dragons

Il y sera quand la garde montante

Remplacera la garde descendante.

 

moralès (très galant)

Mais en attendant qu’il vienne,

Voulez-vous, la belle enfant,

Voulez-vous prendre la peine

D’entrer chez nous un instant?

 

micaëla

Chez vous?

 

moralès, dragons

Chez nous!

 

micaëla (finement)

Non pas, non pas,

Grand merci, messieurs les soldats.

 

moralès

Entrez sans crainte, mignonne,

Je vous promets qu’on aura,

Pour votre chère personne,

Tous les égards qu’il faudra.

 

micaëla

Je n’en doute pas, cependant,

Je reviendrai, c’est plus prudent.

Je reviendrai quand la garde montante

Remplacera la garde descendante.

 

moralès, dragons

Il faut rester, car la garde montante

Va remplacer la garde descendante.

 

moralès

Vous resterez!

 

(Les soldats entourent Micaëla, qui cherche à se dégager.)

 

micaëla

Non pas, non pas!

 

moralès, dragons

Vous resterez!

 

micaëla

Non pas, non pas!

Non! Non! Non!

(s’échappant)

Au revoir, messieurs les soldats!

 

moralès

L’oiseau s’envole…

On s’en console…

Reprenons notre passe-temps,

Et regardons passer les gens.

 

dragons

Sur la place etc.

 

moralès

Drôles de gens!

 

{ n. 2 - Scène et Pantomime }

(Parmi les gens qui vont et viennent, un vieux monsieur donnant le bras à une jeune dame. Le vieux monsieur voudrait continuer sa route; mais la jeune dame fait tout ce qu’elle peut pour le retenir sur la place. Elle paraît émue, inquiète. Elle regarde à droite et à gauche.)

Attention! Chut! Attention!… Taisons-nous!…

Voici venir un vieil époux,

Œil soupçonneux, mine jalouse!…

Il tient au bras sa jeune épouse…

L’amant, sans doute, n’est pas loin;

Il va sortir de quelque coin!

 

moralès, dragons

L’amant, sans doute, n’est pas loin;

Il va sortir de quelque coin!

 

(En ce moment, un jeune homme entre rapidement sur la place. Toute cette pantomime doit cadrer exactement avec le récit de Moralès qui en indique tous les mouvements.)

 

moralès (riant)

Ah! ah! ah! ah! Le voilà!

 

dragons (riant)

Ah! ah! ah! ah! Le voilà!

 

moralès

Le voilà! Ah! Le voilà!

Oui, le voilà!

 

moralès, dragons

Voyons, comment ça tournera!

 

moralès

(imitant le jeune homme)

Vous trouver ici, quel bonheur!

(imitant le vieux mari)

Je suis bien votre serviteur.

(le jeun homme)

Il salue, il parle avec grâce,

(le vieux mari)

Le vieux mari fait la grimace;

(imitant la jeune dame)

Mais d’un air très encourageant

La dame accueille le galant!

Ils font ensemble quelques pas.

Notre amoureux, levant le bras,

Fait voir au mari quelque chose,

Et le mari, toujours morose,

Regarde en l’air… Le tour est fait!

Car la dame a pris le billet!

Et voilà! ah! ah!

On voit comment ça tournera!

 

moralès, dragons

On voit comment ça tournera!

Ah! ah! ah! ah!

 

 

Scène II

Les mêmes, Don José, Zuniga.

{ n. 3 - Chœur des gamins }

On entend au loin une marche militaire. Appel de clairon en scène. Les soldats se rangent en ligne devant le poste. La garde montante paraît; un clairon et un fifre d’abord; puis une bande de petits gamins. Derrière les enfants le lieutenant Zuniga et le brigadier Don José, puis les dragons. Durant le chœur des gamins, la garde montante va se placer vis-à-vis la garde descendante.

 

gamins

Avec la garde montante,

Nous arrivons, nous voilà!

Sonne, trompette éclatante!

Ta ra ta ta ta ra ta ta.

Nous marchons, la tête haute

Comme de petits soldats,

Marquant, sans faire de faute,

(crié)

Une, deux, marquant le pas.

Les épaules en arrière

Et la poitrine en dehors,

Les bras de cette manière,

Tombant tout le long du corps.

Avec la garde montante etc.

 

(Les officiers se saluent de l’épée et se mettent à causer à voix basse. On relève les sentinelles.)

 

moralès (à Don José)

Il y a une jolie fille qui est venue

Te demander. Elle a dit qu’elle reviendrait…

 

 

don josé

Une jeune fille?…

 

moralès

Oui, et gentiment habillée, une jupe bleue,

Des nattes tombant sur les épaules…

 

don josé

C’est Micaëla. Ce ne peut être que Micaëla.

 

moralès

Elle n’a pas dit son nom.

 

(Départ de la garde descendante. Les gamins reprennent derrière le clairon et le fifre de la garde descendante la place qu’ils occupaient derrière le clairon et le fifre de la garde montante.)

 

gamins

... Et la garde descendante

Rentre chez elle et s’en va.

Sonne, trompette éclatante etc.

 

(L’officier de la garde montante a passé l’inspection de ses hommes. à son signe, les dragons rompent les rangs et rentrent dans le corps de garde.)

 

 

Scène III

Zuniga, Don José.

{ Dialogue }

zuniga

Dites-moi, brigadier?

 

don josé (se levant)

Mon lieutenant.

 

zuniga

Je ne suis dans le régiment que depuis deux jours, et jamais je n’étais venu à Séville. Qu’est-ce que c’est ce grand bâtiment?

 

don josé

C’est la manufacture de tabacs…

 

zuniga

Ce sont des femmes qui travaillent là?

 

don josé

Oui, mon lieutenant. Elles n’y sont pas maintenant; tout à l’heure, après leur dîner, elles vont revenir. Et je vous réponds qu’alors il y aura du monde pour les voir passer.

 

zuniga

Elles sont beaucoup?

 

don josé

Ma foi, elles sont bien quatre ou cinq cents qui roulent des cigares dans une grande salle…

 

zuniga

Ce doit être curieux.

 

don josé

Oui, mais les hommes ne peuvent pas entrer dans cette salle sans une permission…

 

zuniga

Ah!

 

don josé

Parce que, lorsqu’il fait chaud, ces ouvrières se mettent à leur aise, surtout les jeunes.

 

zuniga

Il y en a de jeunes?

 

don josé

Mais oui, mon lieutenant.

 

zuniga

Et des jolies?

 

don josé (riant)

Je le suppose… Mais à vous dire vrai, et bien que j’aie été de garde ici plusieurs fois déjà, je n’en suis pas bien sûr, car je ne les ai jamais beaucoup regardées…

 

zuniga

Allons donc!…

 

don josé

Que voulez-vous?… Ces andalouses me font peur. Je ne suis pas fait à leurs manières, toujours à railler… Jamais un mot de raison…

 

 

zuniga

Et puis nous avons un faible pour les jupes bleues, et pour les nattes tombant sur les épaules…

 

don josé (riant)

Ah! Mon lieutenant a entendu ce que me disait Moralès?…

 

zuniga

Oui…

 

don josé

Je ne le nierai pas… la jupe bleu, les nattes… c’est le costume de la Navarre… ça me rappelle le pays…

 

zuniga

Vous êtes navarrais?

 

don josé

Et vieux chrétien. Don José Lizzarrabengoa, c’est mon nom… On voulait que je fusse d’église, et l’on m’a fait étudier. Mais je ne profitais guère, j’aimais trop jouer à la paume… Un jour que j’avais gagné, un gars de l’Alava me chercha querelle; j’eus encore l’avantage, mais cela m’obligea de quitter le pays. Je me fis soldat! Je n’avais plus mon père; ma mère me suivit et vint s’établir à dix lieues de Séville… avec la petite Micaëla… c’est une orpheline que ma mère a recueillie, et qui n’a pas voulu se séparer d’elle…

 

zuniga

Et quel âge a-t-elle, la petite Micaëla?

 

don josé

Dix-sept ans…

 

zuniga

Il fallait dire cela tout de suite… je comprends maintenant pourquoi vous ne pouvez pas me dire si les ouvrières de la manufacture sont jolies ou laides…

(La cloche de la manufacture se fait entendre.)

 

don josé

Voici la cloche qui sonne, mon lieutenant, et vous allez pouvoir juger par vous-même… Quant à moi, je vais faire une chaîne pour attacher mon épinglette.

 

 

Scène IV

Les mêmes, cigarières, jeunes gens, hommes du peuple, soldats.

Don José s’assied et reste là fort indifférent à toutes ces allées et venues, travaillant sur sa chaîne. Entrée des jeunes gens, des hommes du peuple et des soldats. La cloche s’arrête.

{ n. 4 - Chœur des cigarières }

jeunes gens

La cloche a sonné; nous, des ouvrières,

Nous venons ici guetter le retour;

Et nous vous suivrons, brunes cigarières,

En vous murmurant des propos d’amour!

 

(Les cigarières paraissent la cigarette aux lèvres et descendent lentement en scène.)

 

hommes du peuple

Voyez-les! regards impudents,

Mine coquette!

Fumant toutes, du bout des dents,

La cigarette.

 

cigarières

Dans l’air, nous suivons des yeux

La fumée,

Qui vers les cieux

Monte parfumée.

Cela monte gentiment

À la tête,

Tout doucement, cela vous met

L’âme en fête!

Le doux parler des amants,

C’est fumée!

Leurs transports et leurs serments,

C’est fumée!

Dans l’air, nous suivons etc.

 

hommes du peuple (aux cigarières)

Sans faire les cruelles,

Écoutez-nous, les belles,

Ô vous que nous adorons,

Que nous idolâtrons!

 

cigarières (reprenant en riant)

Le doux parler etc.

 

hommes du peuple

Ô vous que nous aimons,

Écoutez-nous, les belles!…

Mais nous ne voyons pas la Carmencita!

 

 

Scène V

Les mêmes, Carmen.

 

{ n. 5 - Scène et Habanera }

Entrée de Carmen.

 

jeunes gens

La voilà! La voilà!

 

cigarières, jeunes gens, hommes du peuple

La voilà! Voilà la Carmencita!

 

jeunes gens (à Carmen)

Carmen! sur tes pas nous nous pressons tous!

Carmen! sois gentille, au moins réponds-nous,

Et dis-nous quel jour tu nous aimeras!

Carmen, dis-nous quel jour tu nous aimeras!

 

carmen

(après avoir rapidement regardé Don José; gaîment)

Quand je vous aimerai?

Ma foi, je ne sais pas…

Peut-être jamais!… Peut-être demain!…

(résolument)

Mais pas aujourd’hui… c’est certain.

L’amour est un oiseau rebelle

Que nul ne peut apprivoiser,

Et c’est bien en vain qu’on l’appelle,

S’il lui convient de refuser.

Rien n’y fait, menace ou prière,

L’un parle bien, l’autre se tait;

Et c’est l’autre que je préfère,

Il n’a rien dit; mais il me plaît.

 

 

cigarières, jeunes gens, hommes du peuple

L’amour est un oiseau rebelle etc.

 

carmen

L’amour!

L’amour est enfant de bohème,

Il n’a jamais, jamais connu de loi,

Si tu ne m’aimes pas, je t’aime;

Si je t’aime, prends garde à toi!

 

cigarières, jeunes gens, hommes du peuple

Prends garde à toi!

 

carmen

Si tu ne m’aimes pas, je t’aime!

 

cigarières, jeunes gens, hommes du peuple

Prends garde à toi!

 

carmen

Mais si je t’aime, prends garde à toi!

 

cigarières, jeunes gens, hommes du peuple

L’amour est enfant de bohème etc.

 

carmen

L’oiseau que tu croyais surprendre

Battit de l’aile et s’envola;

L’amour et loin, tu peux l’attendre;

Tu ne l’attends plus, il est là!

Tout autour de toi vite, vite,

Il vient, s’en va, puis il revient;

Tu crois le tenir, il t’évite;

Tu crois l’éviter, il te tient!

 

cigarières, jeunes gens, hommes du peuple

Tout autour de toi vite, vite etc.

 

carmen

L’amour!

L’amour est enfant de bohème etc.

(du même)

 

{ n. 6 - Scène }

jeunes gens (à Carmen)

Carmen! sur tes pas nous nous pressons tous!

Carmen! sois gentille, au moins réponds-nous!

Ô Carmen! sois gentille, au moins réponds-nous!

 

(Les jeunes gens entourent Carmen. Celle-ci les regarde, puis regarde Don José. Elle hésite… paraît se diriger vers la manufacture… puis revient sur ses pas et s’en va droit à Don José qui est toujours occupé de son épinglette.)

 

carmen

Eh! Compère, qu’est-ce que tu fais là?…

 

don josé

Je fais une chaîne en fil de laiton, une chaîne pour attacher mon épinglette…

 

carmen (riant)

Ton épinglette, vraiment!…

Ton épinglette… épinglier de mon âme!…

 

(En disant ces mots elle arrache de son corsage une fleur de cassie et la lance à Don José. Carmen se sauve en courant.)

 

cigarières

(riant légèrement et entourant Don José)

L’amour est enfant de bohème etc.

 

(Éclat de rire général. La cloche de la manufacture sonne une seconde fois. Sortie des ouvrières, des jeunes gens et des hommes du peuple. Les soldats rentrant au poste. Don José reste seul.)

 

 

Scène VI

Don José seul.

{ Dialogue }

don josé

Qu’es-ce que cela veut dire, ces façons-là?… Quelle effronterie!…

(en souriant)

Tout ça parce que je ne faisais pas attention à elle!… Alors, suivant l’usage des femmes et des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne les appelle pas, elle est venue…

(Il regarde la fleur de cassie qui est par terre à ses pieds. Il la ramasse.)

Avec quelle adresse elle me l’a lancée, cette fleur… là, juste entre les deux yeux… ça m’a fait l’effet d’une balle qui m’arrivait…

(Il respire le parfum de la fleur.)

Comme c’est fort!… certainement, s’il y a des sorcières, cette fille-là en est une.

 

(Entre Micaëla.)

 

 

Scène VII

Don José, Micaëla.

 

micaëla

Monsieur le brigadier? José!

 

don josé

(cachant précipitamment la fleur de cassie)

Quoi? … Qu’est-ce que c’est?… Micaëla?… C’est toi…

 

micaëla

C’est moi… Me voici!

 

don josé

Et tu viens de là-bas? Quelle joie!

 

micaëla

Et je viens de là-bas… c’est votre mère qui m’envoie…

 

don josé

Ma mère!

{ n. 7 - Duo }

(ému)

Parle-moi de ma mère!

 

micaëla (simplement)

J’apporte de sa part, fidèle messagère,

Cette lettre…

 

don josé

Une lettre!

 

micaëla

Une lettre! et puis un peu d’argent

Pour ajouter à votre traitement.

(hésitant)

Et puis…

 

don josé

Et puis?…

 

micaëla

Et puis… vraiment je n’ose!…

Et puis… et puis encore une autre chose

Qui vaut mieux que l’argent… et qui, pour un bon fils,

Aura sans doute plus de prix.

 

don josé

Cette autre chose, quelle est-elle?

Parle donc…

 

micaëla

Oui, je parlerai.

Ce que l’on m’a donné, je vous le donnerai.

Votre mère avec moi sortait de la chapelle,

Et c’est alors qu’en m’embrassant:

Tu vas, m’a-t-elle dit, t’en aller à la ville:

La route n’est pas longue, une fois à Séville

Tu chercheras mon fils, mon José, mon enfant!

Et tu lui diras que sa mère

Songe nuit et jour à l’absent,

Qu’elle regrette et qu’elle espère,

Qu’elle pardonne et qu’elle attend.

Tout cela, n’est-ce pas, mignonne,

De ma part tu le lui diras;

Et ce baiser que je te donne,

De ma part tu le lui rendras!

 

don josé (très ému)

Un baiser de ma mère!

 

micaëla

Un baiser pour son fils!

(simplement)

José, je vous le rends comme je l’ai promis!

(Elle embrasse Don José.)

 

don josé (avec émotion)

Ma mère, je la vois!…

Oui, je revois mon village!

Ô souvenirs d’autrefois,

Doux souvenirs du pays!

Ô souvenirs chéris!

Vous remplissez mon cœur de force et de courage.

Ô souvenirs chéris!

Ma mère, je la vois,

Je revois mon village!

 

micaëla

Sa mère il la revoit!

Il revoit son village!

Ô souvenirs d’autrefois,

Souvenirs du pays!

Vous remplissez son cœur de force et de courage.

Ô souvenirs chéris!

Sa mère, il la revoit,

Il revoit s on village!

 

don josé

Qui sait de quel démon j’allais être la proie!

(recueilli)

Même de loin, ma mère me défend,

Et ce baiser qu’elle m’envoie,

(avec élan)

Ce baiser qu’elle m’envoie,

Écarte le péril et sauve son enfant!

 

micaëla

Quel démon? Quel péril?

(vivement)

Je ne comprends pas bien…

Que veut dire cela?

 

don josé

Rien! rien!

Parlons de toi, la messagère;

Tu vas retourner au pays?

 

micaëla

Oui, ce soir même: demain je verrai votre mère!

 

don josé (vivement)

Tu la verras! Eh bien! tu lui diras:

Que son fils l’aime et la vénère,

Et qu’il se repent aujourd’hui:

Il veut que là-bas sa mère

Soit contente de lui!

Tout cela, n’est-ce pas, mignonne,

De ma part tu le lui diras;

Et ce baiser que je te donne,

De ma part, tu le lui rendras!

(Il embrasse Micaëla.)

 

micaëla (simplement)

Oui, je vous le promets… de la part de son fils,

José, je le rendrai comme je l’ai promis.

 

don josé

Ma mère, je la vois etc.

 

micaëla

Sa mère, il la revoit etc.

{ Dialogue }

don josé

Attends un peu maintenant… je vais lire sa lettre…

 

micaëla

J’attendrai, monsieur le brigadier, j’attendrai…

 

don josé

(baisant la lettre avant de commencer à lire)

Ah!

(lisant)

«Continue à te bien conduire, mon enfant! On t’a promis de te faire maréchal de logis. Peut-être alors pourrais-tu quitter le service, te faire donner une petite place et revenir près de moi. Je commence à me faire bien vieille. Tu reviendrais près de moi et tu te marierais… Nous n’aurions pas, je pense, grand’ peine a te trouver une femme, et je sais bien, quant à moi, celle que je te conseillerais de choisir: c’est tout justement celle qui te porte ma lettre… Il n’y en a pas de plus sage, ni de plus gentille…»

 

micaëla (l’interrompant)

Il vaut mieux que je ne sois pas là!…

 

don josé

Pourquoi donc?

 

micaëla (troublée)

Je viens de me rappeler que votre mère m’a chargée de quelques petits achats: je vais m’en occuper tout de suite.

 

don josé

Attends un peu, j’ai fini…

 

micaëla

Vous finirez quand je ne serai plus là…

 

don josé

Mais la réponse?…

 

micaëla

Je viendrai la prendre avant mon départ et je la porterais à votre mère… Adieu.

 

don josé

Micaëla!

 

micaëla

Non, non… Je reviendrai, j’aime mieux cela… je reviendrai, je reviendrai…

(Elle sort.)

 

 

Scène VIII

Don José, puis les ouvrières, Zuniga, soldats.

 

don josé (lisant)

«Il n’y en a pas de plus sage, ni de plus gentille… il n’y en a pas surtout qui t’aime davantage… et si tu voulais…» Oui, ma mère, oui, je ferai ce que tu désires… j’épouserai Micaëla, et quant à cette bohémienne, avec ses fleurs qui ensorcellent…

 

(Au moment où il va arracher les fleurs de sa veste, grande rumeur dans l’intérieur de la manufacture.)

 

{ n. 8 - Chœur }

(Cris dans la coulisse.)

 

zuniga

(sortant du poste, suivi des soldats)

Eh bien! Eh bien! qu’est-ce qui arrive?

(Les cigarières sortent rapidement et en désordre.)

 

cigarières (premier groupe)

Au secours! Au secours!
N’entendez-vous pas?

 

cigarières (deuxième groupe)

Au secours! Au secours! Messieurs les soldats!

 

cigarières (premier groupe)

C’est la Carmencita!

 

cigarières (deuxième groupe)

Non, non, ce n’est pas elle!

 

cigarières (premier groupe, à Zuniga)

C’est elle! Si fait, c’est elle!

Elle a porté les premiers coups!

Ne les écoutez pas!

Monsieur! Écoutez-nous!

 

cigarières (deuxième groupe, à Zuniga)

Ne les écoutez pas!

Monsieur! Écoutez-nous!

(tirant Zuniga de leur côté)

La Manuelita disait

Et répétait à voix haute

Qu’elle achèterait sans faute

Un âne qui lui plaisait.

 

cigarières (premier groupe, même jeu)

Alors la Carmencita,

Railleuse à son ordinaire,

Dit: «Un âne, pour quoi faire?

Un balai te suffira!»

 

cigarières (deuxième groupe)

Manuelita riposta

Et dit à sa camarade:

«Pour certaine promenade

Mon âne te servira!»

 

cigarières (premier groupe)

«Et ce jour-là tu pourras

À bon droit faire la fière,

Deux laquais suivront derrière

T’émouchant à tour de bras.»

 

cigarières (premier et deuxième groupe)

Là-dessus, toutes les deux

Se sont prises aux cheveux!

 

zuniga (avec impatience)

Au diable tout ce bavardage!

(à Don José)

Prenez, José, deux hommes avec vous,

Et voyez là-dedans qui cause ce tapage!

 

 

(Don José entre dans la manufacture, suivi de deux soldats.)

 

cigarières (premier groupe)

C’est la Carmencita!

 

cigarières (deuxième groupe)

Non, non, ce n’est pas elle!

 

cigarières (premier groupe)

Si fait, c’est elle!

 

cigarières (deuxième groupe)

Pas du tout!

 

cigarières (premier groupe)

Elle a porté les premiers coups!

 

zuniga

Holà!

Éloignez-moi toutes ces femmes-là!

 

cigarières (premier et deuxième groupe)

Monsieur! Ne les écoutez pas!

Monsieur! Écoutez-nous!

 

zuniga

Holà! Soldats!

 

(Les soldats font évacuer la place. Cris des femmes. Elles sont malmenées par les soldats et repoussées jusqu’à la tête du pont et une rue à droite. Carmen paraît à l’entrée de la manufacture, amenée par Don José et suivie par deux soldats. Les femmes à droite et à gauche s’échappent et reprennent leur dispute.)

 

cigarières (premier groupe)

C’est la Carmencita

Qui porta les premiers coups!

 

cigarières (deuxième groupe)

C’est la Manuelita

Qui porta les premiers coups!

 

cigarières (premier et deuxième groupe)

La Carmencita!

La Manuelita!

Si! Si!

Non! Non!

Elle a porté les premiers coups!

 

(Les soldats réussissent enfin à repousser les cigarières. Les femmes sont maintenues à distance par une haie de dragons.)

 

 

Scène IX

Les mêmes, Carmen.

{ Dialogue }

zuniga

Voyons, brigadier… Maintenant que nous avons un peu de silence… Qu’est-ce que vous avez trouvé là-dedans? …

 

don josé

J’ai d’abord trouvé trois cent femmes, criant, hurlant, gesticulant, faisant un tapage à ne pas entendre Dieu tonner… D’un côté, il y en avait une, les quatre fers en l’air, qui criait: «Confession! Confession! Je suis morte…» Elle avait sur la figure un X qu’on venait de lui marquer en deux coups de couteau… en face de la blessée, j’ai vu… Mon officier, c’était une querelle, des injures d’abord, puis à la fin des coups. Une femme blessée.

 

(Il s’arrête sur un regard de Carmen.)

 

zuniga

Eh bien?… Et par qui?

 

don josé

J’ai vue mademoiselle… Mais par elle!

 

zuniga

Mademoiselle Carmencita?

 

don josé

Oui, mon lieutenant…

 

zuniga

Et qu’est-ce qu’elle disait, mademoiselle Carmencita?

 

don josé

Elle ne disait rien, mon lieutenant, elle serrait les dents et roulait des yeux comme un caméléon.

 

carmen

On m’avait provoquée… Je n’ai fait que me défendre… Monsieur le brigadier vous le dira…

(à José)

N’est-ce pas, monsieur le brigadier?

 

don josé

(après un moment d’hésitation)

Tout ce que j’ai pu comprendre au milieu du bruit, c’est qu’une discussion s’était élevée entre ces deux dames, et qu’à la suite de cette discussion, mademoiselle, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares, avait commencé à dessiner des croix de Saint-André sur le visage de sa camarade…

(Le lieutenant regarde Carmen; celle-ci, après un regard à Don José et un très léger haussement d’épaules, est redevenue impassible.)

Le cas m’a paru clair. J’ai prié mademoiselle de me suivre… Elle a d’abord fait un mouvement comme pour résister puis elle s’est résignée… et m’a suivi, douce comme un mouton!

 

zuniga

Et la blessure de l’autre femme?

 

don josé

Très légère, mon lieutenant, deux balafres à fleur de peau.

 

zuniga (à Carmen)

Eh bien, la belle, vous avez entendu le brigadier?

(à Don José)

Je n’ai pas besoin de vous demander si vous avez dit la vérité.

 

don josé

Foi de navarrais, mon lieutenant!

 

(Carmen se retourne brusquement et regarde encore une fois José.)

 

zuniga (à Carmen)

Eh bien… vous avez entendu?… Avez-vous quelques choses à répondre? Parlez, j’attends… Vous entendez? Que nous répondrez-vouss?

 

{ n. 9 - Chanson et Mélodrame }

carmen (fredonnant)

Tra la la la la la la la,

Coupe-moi, brûle-moi,

Je ne te dirai rien:

Tra la la la la la la la.

Je brave tout, le feu,

Le fer et le ciel même.

 

zuniga

Ce ne sont pas des chansons que je te demande, c’est une réponse. Fais-nous grâce de tes chansons. Et puisque l’on t’a dit de répondre, réponds!

 

carmen (regardant effrontément Zuniga)

Tra la la la la la la la,

Mon secret, je le garde

Et je le garde bien!

Tra la la la la la la la.

J’aime un autre et meurs

En disant que je l’aime!

 

zuniga

Ah! ah! Nous le prenons sur ce ton-là? Puisque tu le prends sur ce ton, tu chanteras ton air aux murs de la prison.

(à Don José)

Ce qui est sûr, n’est-ce pas, c’est qu’il y a eu des coups de couteau et que c’est elle qui les a donnés?

(À ce moment trois ou quatre femmes réussissent à forcer la ligne des factionnaires et se précipitent sur la scène en criant: «Oui, oui, c’est elle!» Une de ces femmes se trouve près de Carmen. Celle-ci lève la main et veut se jeter sur la femme. Don José arrête Carmen. Les soldats écartent les femmes et les repoussent hors de la scène.)

(à Carmen)

Eh! Eh! La peste! Vous avez la main leste décidément.

(aux soldats)

Trouvez-moi une corde.

 

carmen

Tra la la la la la la la…

 

un soldat (apportant une corde)

Voilà, mon lieutenant.

 

zuniga (à Don José)

Prenez, attachez-moi ces deux jolies mains.

(Carmen se laisse attacher les mains sans faire la moindre résistance.)

C’est dommage vraiment, car elle est gentille… mais si gentille que vous soyez, vous n’en irez pas moins faire un tour à la prison. Vous pourrez y chanter vos chansons de bohémienne… le porte-clefs vous en dira ce qu’il en pense. Je vais écrire l’ordre.

(à Don José)

C’est vous qui la conduirez.

 

(Zuniga et les soldats rentrent au poste. Carmen et Don José restent seuls.)

 

 

Scène X

Carmen, Don José.

Un petit moment de silence. Carmen lève les yeux et regarde Don José. Celui-ci se détourne, s’éloigne de quelques pas, puis revient à Carmen qui le regarde toujours.

{ Dialogue }

carmen

Où me conduirez-vous?

 

don josé

à la prison et je n’y puis rien faire. J’obeis à mes chefs., ma pauvre enfant…

 

carmen

Hélas! que deviendrai-je? Seigneur officier, ayez pitié de moi… Vous êtes si jeune, si gentil…

(José ne répond pas, s’éloigne et revient, toujours sous le regard de Carmen.)

Cette corde, comme vous l’avez serrée, cette corde… j’ai les poignets brisés.

 

don josé (s’approchant de Carmen)

Si elle vous blesse, je puis la desserrer… Le lieutenant m’a dit de vous attacher les mains… il ne m’a pas dit…

(Il desserre la corde.)

 

carmen (bas)

Laisse-moi m’échapper, je te donnerai un morceau de la bar lachi, une petite pierre qui te fera aimer de toutes les femmes.

 

(Don José se rie.)

 

don josé (s’éloignant)

Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes… il faut aller à la prison. C’est la consigne, et il n’y a pas de remède.

 

(Silence.)

 

carmen

Tout à l’heure vous avez dit: foi de navarrais… Vous êtes des Provinces?

 

don josé

Je suis d’Elizondo…

 

carmen

Et moi d’Etchalar…

 

don josé (s’arrêtant)

D’Etchalar!… c’est à quatre heures d’Elizondo, Etchalar.

 

carmen

Oui, c’est là que je suis née… J’ai été emmenée par des bohémiens à Séville. Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre près de ma pauvre mère qui n’a que moi pour soutien… On m’a insultée parce que je ne suis pas de ce pays de filous, de marchands d’oranges pourries, et ces coquines se sont mises toutes contre moi parce que je leur ai dit que tous leurs Jacques de Séville avec leurs couteaux ne feraient pas peur à un gars de chez nous avec son béret bleu et son maquila. Camarade, mon ami, ne ferez-vous rien pour une payse?

 

don josé

Vous êtes navarraise, vous?

 

carmen

Sans doute.

 

don josé

Allons donc… il n’y a pas un mot de vrai… vos jeux seuls, votre bouche, votre teint… Tout vous dit bohémienne…

 

carmen

Bohémienne, tu crois?

 

don josé

J’en suis sûr…

 

carmen

Au fait, je suis bien bonne de me donner la peine de mentir… Oui, je suis bohémienne, mais tu n’en Eh bien moi, je sais bien… qu’en dépit de tes chefs eux-mêmes tu feras pas moins tout ce que je te demande veux… Tu le feras parce que tu m’aimes…

 

don josé

Moi t’aimer?

 

carmen

Eh! Oui, José! tu m’aimes… ne me dis pas non, je m’y connais!… tes regards, la façon dont tu me parles. Et cette La fleur que tu as gardée, tu sais, la fleur de la sorcière. Oh! Tu peux la jeter maintenant… cela n’y fera rien. Elle est restée assez de temps sur ton cœur; le charme a opéré…

 

don josé (avec colère)

Ne me parle plus, tu entends! Je te défends de me parler…

 

carmen

C’est très bien, seigneur officier, c’est très bien. Vous me défendez de parler, je ne parlerai plus…

{ n. 10 - Séguedille et Duo }

(Elle regarde Don José qui recule. Il s’arrête près de la fontaine et se baigne la tête dans l’eau froide.)

Près des remparts de Séville,

Chez mon ami Lillas Pastia,

J’irai danser la séguedille

Et boire du manzanilla.

J’irai chez mon ami Lillas Pastia.

Oui, mais toute seule on s’ennuie,

Et les vrais plaisirs sont à deux;

Donc, pour me tenir compagnie,

J’emmènerai mon amoureux!

(riant)

Mon amoureux… il est au diable…

Je l’ai mis à la porte hier!

Mon pauvre cœur très consolable,

Mon cœur est libre comme l’aire!

J’ai des galants à la douzaine,

Mais ils ne son pas à mon gré.

Voici la fin de la semaine:

Qui veut m’aimer? Je l’aimerai!

Qui veut mon âme? Elle est à prendre!

Vous arrivez au bon moment!

Je n’ai guère le temps d’attendre,

Car avec mon nouvel amant

Près des remparts de Séville,

Chez mon ami Lillas Pastia,

J’irai danser la séguedille

Et boire du manzanilla.

Oui, j’irai chez mon ami Pastia!

 

don josé (durement)

Tais-toi! Je t’avais dit de ne pas me parler!

 

carmen (simplement)

Je ne te parle pas, je chante pour moi-même!

Et je pense! Il n’est pas défendu de penser!

Je pense à certain officier qui m’aime

Et qu’à mon tour je pourrais bien aimer!

 

don josé (ému)

Carmen!

 

carmen (avec intention)

Mon officier n’est pas un capitaine,

Pas même un lieutenant, il n’est que brigadier;

Mais c’est assez pour une bohémienne

Et je daigne m’en contenter!

 

don josé

Carmen, je suis comme un homme ivre;

Si je cède, si je me livre,

Ta promesse, tu la tiendras,

Ah! Si je t’aime, Carmen, tu m’aimeras!

 

carmen

Oui.

 

(Don José délie la corde qui attache les mains de Carmen.)

 

don josé

Chez Lillas Pastia…

 

carmen

Nous danserons… la séguedille…

 

don josé

Tu le promets! Carmen…

 

carmen

En buvant manzanilla.

 

don josé

Tu le promets!

 

carmen

Ah!

Prés des remparts de Séville,

Chez mon ami Lillas Pastia,

Nous danserons la séguedille

Et boirons manzanilla.

Tra la la la la la la la…

 

 

Scène XI

Les mêmes, Zuniga, soldats.

Zuniga sort du poste, suivi des soldats.

 

{ n. 11 - Final }

zuniga (à Don José)

Voici l’ordre; partez.

Et faites bonne garde.

 

carmen (bas à Don José)

En chemin, je te pousserai

Aussi fort que je le pourrai.

Laisse-toi renverser…

Le reste me regarde.

(fredonnant et riant au nez de Zuniga)

L’amour est enfant de bohème etc.

 

(Elle se met en marche avec Don José. Arrivée à l’entrée du pont, Carmen bouscule les soldats, s’échappe et se sauve en riant aux éclats.)

 

{ Preludio }

 

Atto I

 

Una piazza, a Siviglia.

A destra la porta della manifattura di tabacco. Al centro una fontana. Al fondo un ponte praticabile. A sinistra il corpo di guardia.

 

Scena I

Morales, Micaela, soldati, passanti.

All’alzarsi del sipario, il brigadiere Morales e i soldati sono raggruppati davanti al corpo di guardia. Movimento di gente che passeggia sulla piazza.

 

{ n. 1 - Scena e Coro }

dragoni

Sulla piazza

Ognuno passa,

Ognuno viene e va:

Strana gente, quella là!

 

morales (con noncuranza)

Sulla porta del corpo di guardia,

Per ammazzare il tempo,

Si fuma, si commenta, si guarda

Passare i passanti.

Sulla piazza ecc.

 

dragoni

Sulla piazza ecc.

 

morales

Strana gente!

(Entra Micaela.)

Guardate quella piccina

Che sembra volerci parlare…

Vedete! Gira… esita…

 

dragoni

Al suo soccorso bisogna andare!

 

morales (galante, a Micaela)

Che cercate, bella mia?

 

micaela (con semplicità)

Io, io cerco un brigadiere.

 

morales (con enfasi)

Eccomi…

Eccomi qua!

 

micaela

Il mio brigadiere si chiama

Don José. Lo conoscete?

 

morales (con leggerezza)

Don José? Lo conosciamo tutti.

 

micaela (vivacemente)

Davvero? È con voi, per favore?

 

morales

Non è brigadiere nella nostra compagnia.

 

micaela (delusa)

Allora, non c’è?…

 

morales

No, non c’è, mia bella;

Ma fra poco ci sarà.

Ci sarà, quando la guardia che monta

Sostituirà la guardia che smonta.

 

morales, dragoni

Ci sarà, quando la guardia che monta

Sostituirà la guardia che smonta.

 

morales (tutto galante)

Ma, attendendo il suo arrivo,

Non volete, bimba bella,

aver la compiacenza

di entrare un momento da noi?

 

micaela

Da voi?

 

morales, dragoni

Da noi!

 

micaela (abilmente)

No no, no no,

Grazie tante, signori soldati.

 

morales

Entrate senza timore, tesoro:

Vi prometto che avremo

Per la vostra personcina

Tutti i riguardi possibili.

 

micaela

Non ne dubito, però,

È più prudente, tornerò.

Tornerò quando la guardia che monta,

Sostituirà quella che smonta.

 

morales, dragoni

Dovete restare, perché la guardia monta,

Sostituirà quella che smonta.

 

morales

Resterete!

 

(I soldati circondano Micaela, che cerca di liberarsi.)

 

 

micaela

No no, no no!

 

morales, dragoni

Resterete!

 

micaela

No no, no no!

No! No! No!

(sfuggendo loro)

Arrivederci, signori soldati!

 

morales

L’uccello vola via…

Ci si consola…

Riprendiamo il nostro passatempo,

E guardiamo passare la gente.

 

dragoni

Sulla piazza ecc.

 

morales

Strana gente!

 

{ n. 2 - Scena e Pantomima }

(Fra la gente che viene e va, un vecchio che dà il braccio a una giovane signora. Egli vorrebbe continuar la passeggiata; ma la giovane fa tutto il possibile per trattenerlo sulla piazza. Sembra inquieta, emozionata. Guarda a destra e a sinistra.)

 

Attenzione! Ssst! Attenzione!… Silenzio!…

Ecco giungere un vecchio marito,

Sguardo sospettoso, aria gelosa!…

Si tiene al braccio la giovane sposa…

L’amante, certo, non è lontano;

Verrà fuori da qualche angolino!

 

morales, dragoni

L’amante, certo, non è lontano;

Verrà fuori da qualche angolino!

 

(A questo punto, un giovane entra rapido in piazza. Tutta questa pantomima deve proseguire esattamente come nelle parole di Morales che ne indica tutti i movimenti.)

 

morales (ridendo)

Ah! ah! ah! ah! Eccolo là!

 

dragoni (ridendo)

Ah! ah! ah! ah! Eccolo là!

 

morales

Eccolo, ah! Eccolo!

Sì, eccolo là!

 

morales, dragoni

Vediamo cosa succederà!

 

morales

(imitando il giovanotto)

Trovarvi qui, che gioia!

(imitando il vecchio marito)

Servo vostro.

(il giovanotto)

Lui saluta, parla con grazia,

(il vecchio marito)

Il vecchio marito fa la faccia scura;

(imitando la dama)

Ma, con un’aria molto incoraggiante,

La dama accoglie il corteggiatore!

Fanno insieme qualche passo.

Il nostro innamorato, alzando il braccio,

Fa vedere al marito qualche cosa,

E il marito, sempre imbronciato,

Guarda in aria… Il gioco è fatto!

Poiché la signora ha preso il biglietto!

Ed ecco! ah! ah!

Si vede cosa succederà!

 

morales, dragoni

Si vede cosa succederà!

Ah! ah! ah! ah!

 

 

Scena II

Gli stessi, Don José, Zuniga.

{ n. 3 - Coro dei monelli }

Si sente da lontano una marcia militare. Squillo di tromba in scena. I soldati si allineano in fila davanti al posto di guardia. Appare la guardia che monta; prima una tromba e un piffero; poi una banda di monelli. Dietro ai bambini, il tenente Zuniga e il brigadiere Don José, poi i dragoni. Durante il coro dei monelli, la guardia che monta va a mettersi di fronte a quella che smonta.

 

monelli

Con la guardia che monta,

Arriviamo, eccoci qua!

Suona, tromba squillante!

Ta ra ta ta, ta ra ta ta.

Noi marciamo, a testa alta,

Come piccoli soldati,

Segnando, senza sbagliare,

(gridato)

Un, due, segnando il passo.

Le spalle indietro

E il petto in fuori,

Le braccia così,

dritte lungo il corpo.

Con la guardia che monta ecc.

 

(Gli ufficiali si salutano con la spada e si mettono a parlare a bassa voce. Cambio di sentinelle.)

 

morales (a Don José)

C’è una bella ragazza che è venuta

A chiedere di te. Mi hanno detto che sarebbe tornata…

 

don josé

Una ragazza?…

 

morales

Sì, e ben vestita, gonna turchina,

Trecce sulle spalle…

 

don josé

È Micaela. Non può essere che Micaela.

 

morales

Non ha detto il suo nome.

 

(Partenza della guardia che smonta. I monelli riprendono dietro alla tromba e al piffero della guardia che smonta il posto che occupavano dietro alle trombe e ai pifferi della guardia che montava.)

 

monelli

... E la guardia che smonta

Rientra e se ne va.

Suona, tromba squillante ecc.

 

(L’ufficiale di guardia che monta ha passato in rivista gli uomini. Al suo segnale, i dragoni rompono le file e rientrano nel corpo di guardia.)

 

 

Scena III

Zuniga, Don José.

{ Dialogo }

zuniga

Ehi, brigadiere!

 

don josé (alzandosi)

Comandi, tenente.

 

zuniga

Sono nel reggimento solo da due giorni, e non ero mai venuto a Siviglia. Cos’è quel grande edificio?

 


don josé

È la manifattura di tabacchi…

 

zuniga

Sono donne, quelle che ci lavorano?

 

don josé

Sì, signor tenente. Adesso non ci sono; torneranno fra poco, dopo il pranzo. E vi dico che ce ne sarà di gente, allora, per vederle passare.

 

zuniga

Sono in molte?

 

don josé

In fede mia, saranno in quattro o cinquecento ad arrotolare sigari in uno stanzone…

 

zuniga

Deve essere curioso.

 

don josé

Sì, ma gli uomini non possono entrare in quella stanza senza un permesso speciale…

 

zuniga

Ah!

 

don josé

Perché, quando fa caldo, le operaie si mettono a loro agio, soprattutto le giovani.

 

zuniga

E ce ne sono di giovani?

 

don josé

Certo, tenente.

 

zuniga

E di belle?

 

don josé (ridendo)

Credo di sì… Ma, a dirvi la verità, e anche se sono stato qui di guardia già molte volte, non ne sono proprio sicuro, poiché non le ho mai guardate molto…

 

zuniga

Ma non è possibile!…

 

don josé

Che volete?… Queste andaluse mi fanno paura. Non riesco ad abituarmi ai loro modi, sempre beffarde… Mai una parola sensata…

 

zuniga

E poi abbiamo un debole per le gonne turchine, e per le trecce sulle spalle…

 

 

don josé (ridendo)

Ah! Il signor tenente ha sentito quel che mi diceva Morales?…

 

zuniga

Sì…

 

don josé

Non lo nego… la gonna turchina, le trecce… è il costume della Navarra… mi ricorda il paese…

 

zuniga

Siete navarrese?

 

don josé

E cristiano di pura schiatta. Don José Lizzarrabengoa è il mio nome… Mi volevano uomo di chiesa, e mi hanno fatto studiare. Ma non ne traevo profitto, mi piaceva troppo giocare alla pelota… Un giorno che avevo vinto, un giovane dell’Alava mi provoca; lo batto, ma devo lasciare il paese. Così mi feci soldato! Non avevo più mio padre; mia madre mi seguì e venne ad abitare a dieci leghe da Siviglia… con la piccola Micaela… è un’orfana che mia madre ha raccolto, e che non ha voluto separarsi da lei…

 

 

zuniga

E che età ha la piccola Micaela?

 

don josé

Diciassette anni…

 

zuniga

Bisognava dirlo subito… Adesso capisco perché non mi potete dire se le operaie della manifattura sono belle o brutte…

 

(Si sente suonare la campana della manifattura.)

 

don josé

Ecco la campana che suona, tenente, e voi potrete giudicare da solo… Quanto a me, mi farò una catena per attaccarci la mia spilletta.

 

 

 

Scena IV

Gli stessi, sigaraie, giovanotti, popolani, soldati.

Don José si siede e resta là indifferente a tutto questo andirivieni, lavorando alla sua catena. Entrano giovanotti, popolani e soldati. La campana si ferma.

 

 

{ n. 4 - Coro delle sigaraie }

giovanotti

La campana ha suonato; noi, delle operaie

Qui veniamo a osservare il ritorno;

E vi seguiremo, brune sigaraie,

Mormorandovi frasi d’amore!

 

(Appaiono le sigaraie, sigarette in bocca e scendono lentamente in scena.)

 

popolani

Guardatele! Sguardi impudenti,

Aria da civetta!

Fumando tutte con la punta dei denti

La sigaretta.

 

sigaraie

Nell’aria seguiamo con gli occhi

Il fumo,

Che sale verso il cielo,

Sale, denso di profumo.

Va pian piano

Alla testa,

Vi mette pian piano

L’anima in festa!

Le dolci parole degli amanti,

È tutto fumo!

I loro trasporti e giuramenti,

È tutto fumo!

Nell’aria seguiamo ecc.

 

popolani (alle sigaraie)

Senza fare le crudeli,

Ascoltateci, belle,

Voi che adoriamo,

Che idolatriamo!

 

sigaraie (ricominciando e ridendo)

Le dolci parole ecc.

 

popolani

Voi che amiamo,

Ascoltateci, belle!

Ma non vediamo la Carmencita!

 

 

Scena V

Gli stessi, Carmen.

 

{ n. 5 - Scena e Habanera }

Entrata di Carmen.

 

giovanotti

Eccola! Eccola!

 

sigaraie, giovanotti, popolani

Eccola! Ecco la Carmencita!

 

giovanotti (a Carmen)

Carmen! Eccoci tutti qui a seguirti!

Carmen! Sii gentile; almeno rispondici,

E di’ quando ci amerai!

Carmen, di’ quando ci amerai!

 

carmen

(dopo aver lanciato un’occhiata rapida a Don José; con allegria)

Quando vi amerò?

Non so davvero…

Forse mai!… Forse domani!…

(risoluta)

Ma non oggi, no, di certo.

L’amore è un uccello selvatico

Che nessuno può addomesticare,

E invano lo si chiama,

Se gli va di rifiutare.

Nulla vale, minaccia o preghiera;

L’uno parla bene, l’altro tace;

Ed è l’altro che preferisco,

Non ha detto niente; ma mi piace.

 

sigaraie, giovanotti, popolani

L’amore è un uccello selvatico ecc.

 

carmen

L’amore!

L’amore è zingaro,

Non ha mai, mai conosciuto legge,

Se tu non m’ami, io ti amo;

Se t’amo, sta’ attento a te!

 

sigaraie, giovanotti, popolani

Sta’ attento a te!

 

carmen

Se tu non m’ami, io ti amo!

 

sigaraie, giovanotti, popolani

Sta’ attento a te!

 

carmen

Ma se t’amo, sta’ attento a te!

 

sigaraie, giovanotti, popolani

L’amore è zingaro ecc.

 

carmen

L’uccello che credevi di sorprendere

Batté le ali e volò via;

L’amore è lontano, lo puoi attendere;

Non lo attendi più, ed eccolo!

Intorno a te in fretta, in fretta,

Viene, se ne va, poi ritorna;

Credi di averlo, ti evita;

Credi di evitarlo, ti ha preso!

 

sigaraie, giovanotti, popolani

Intorno a te in fretta, in fretta ecc.

 

carmen

L’amore!

L’amore è zingaro ecc.

(c.s.)

 

{ n. 6 - Scena }

giovanotti (a Carmen)

Carmen! Eccoci tutti qui a seguirti!

Carmen! Sii gentile, almeno rispondici!

O Carmen! Sii gentile, almeno rispondici!

 

(I giovanotti circondano Carmen. Questa li guarda, poi guarda Don José. Esita… Sembra dirigersi verso la manifattura… Poi torna sui suoi passi e va dritta verso Don José che è sempre occupato con la sua spilletta.)

 

 

carmen

Ehi! Compare, cosa stai facendo?…

 

don josé

Faccio una catena di filo d’ottone, una catena per attaccarci la mia spilletta…

 

carmen (ridendo)

La tua spilletta, davvero!…

La tua spilletta… spillettaio dell’anima mia!…

 

(Dicendo queste parole si strappa dal corsetto un fiore di gaggìa e lo lancia a Don José. Carmen scappa di corsa.)

 

sigaraie

(ridendo frivolamente e circondando Don José)

L’amore è zingaro ecc.

 

(Scoppio di risa generale. La campana della manifattura suona una seconda volta. Uscita delle operaie, dei giovanotti e dei popolani. I soldati rientrano al posto di guardia. Don José resta solo.)

 

 

Scena VI

Don José solo.

{ Dialogo }

don josé

Che cosa vogliono dire, quei modi?… Che sfrontatezza!…

(sorridendo)

Tutto questo perché non facevo attenzione a lei!… Allora, come fan sempre le donne e i gatti che non vengono quando li chiami e vengono quando non li chiami, lei è venuta…

(Guarda il fiore di gaggìa che è in terra, ai suoi piedi. Lo raccoglie.)

Con quanta abilità me l’ha gettato, questo fiore… Qui, proprio in mezzo agli occhi… Mi ha fatto l’effetto di un proiettile…

(Respira il profumo del fiore.)

Com’è forte!… certo che, se esistono le streghe, quella ragazza è una di loro.

 

(Entra Micaela.)

 

 

Scena VII

Don José, Micaela.

 

micaela

Signor brigadiere? José!

 

don josé

(nascondendo precipitosamente il fiore di gaggìa)

Cosa?… che c’è?… Micaela!… Sei tu…

 

 

micaela

Sono io… Eccomi!

 

don josé

E vieni da laggiù? Che gioia!

 

micaela

E vengo da laggiù… mi manda vostra madre…

 

don josé

Mia madre!

{ n. 7 - Duetto }

(commosso)

Parlami di mia madre!

 

micaela (con semplicità)

Reco da parte sua, fedele messaggera,

Questa lettera…

 

don josé (con gioia)

Una lettera!

 

micaela

Una lettera! e anche un po’ di denaro

Da aggiungere al vostro soldo.

(esitante)

E poi…

 

don josé

E poi?…

 

micaela

E poi… davvero, non oso!…

E poi… e poi un’altra cosa ancora

Che vale più del denaro… e che, per un buon figlio,

Sarà sicuramente più preziosa.

 

 

don josé

Quest’altra cosa, qual è?

Parla, su…

 

micaela

Sì, parlerò.

Ciò che mi è stato dato, ve lo darò.

Vostra madre usciva con me dalla cappella,

E fu allora che abbracciandomi:

Ti metterai in cammino, mi disse, verso la città;

La strada non è lunga, una volta a Siviglia

Cercherai mio figlio, il mio José, il mio ragazzo!

E gli dirai che sua madre

Pensa notte e giorno all’assente,

Rimpiange e spera,

Perdona e aspetta.

Tutto questo, vero?, cara,

Da parte mia tu gli dirai;

E questo bacio che ti do,

Da parte mia gli renderai!

 

don josé (molto commosso)

Un bacio di mia madre!

 

micaela

Un bacio per suo figlio!

(con semplicità)

José, come ho promesso, ve lo rendo!

(Bacia Don José.)

 

don josé (con emozione)

Vedo mia madre!…

Sì, rivedo il mio villaggio!

Ricordi di un tempo,

Dolci ricordi del paese!

O cari ricordi!

Voi mi riempite il cuore di forza e di coraggio!

O cari ricordi!

Vedo mia madre,

Rivedo il mio villaggio!

 

micaela

Rivede sua madre!

Rivede il suo villaggio!

O ricordi di un tempo!

Ricordi del paese!

Voi gli riempite il cuore di forza e di coraggio.

O cari ricordi!

Vede sua madre,

Rivede il suo villaggio!

 

don josé

Chissà di quale demone stavo per essere preda!

(raccolto)

Anche da lontano, mia madre mi difende.

E il bacio che mi manda,

(con slancio)

Questo bacio che mi manda,

Allontana il pericolo e salva suo figlio!

 

micaela

Quale demone? Quale pericolo?

(con vivacità)

Non capisco bene…

Che vuol dire tutto ciò?

 

don josé

Niente! niente!

Parliamo di te, messaggera;

Tornerai al paese?

 

micaela

Sì, stasera stessa: domani vedrò vostra madre!

 

don josé (vivacemente)

Tu la vedrai! Ebbene! le dirai:

Che suo figlio l’ama e la venera,

E che oggi si pente:

Vuole che sua madre laggiù

Sia contenta di lui!

Tutto questo, vero?, cara,

Da parte mia tu le dirai;

E questo bacio che ti do,

Da parte mia le renderai!

(Bacia Micaela.)

 

micaela (con semplicità)

Sì, ve lo prometto… da parte di suo figlio,

José, glielo renderò come ho promesso.

 

don josé

Vedo mia madre ecc.

 

micaela

Rivede sua madre ecc.

{ Dialogo }

don josé

Aspetta un momento ora… leggo la sua lettera…

 

micaela

Aspetterò, signor brigadiere, aspetterò…

 

don josé

(baciando la lettera prima di cominciare a leggere)

Ah!

(leggendo)

«Continua a comportarti bene, figlio mio! Ti hanno promesso di farti maresciallo d’alloggio. Forse allora potrai lasciare il servizio, farti dare un posticino e tornare da me. Comincio davvero a invecchiare. Torneresti vicino a me e ti sposeresti… Non faremmo molta fatica, penso, a trovarti una moglie, e quanto a me, so bene chi ti consiglierei di scegliere: proprio quella che ti porta la mia lettera… Non ve n’è una migliore, e più bella…»

 

 

micaela (interrompendolo)

È meglio che io non stia qua!…

 

don josé

Perché mai?

 

micaela (turbata)

Mi è appena venuto in mente che vostra madre mi ha incaricato di fare alcune piccole spese: me ne occupo subito.

 

don josé

Aspetta un momento, ho finito…

 

micaela

Finirete quando non sarò più qua…

 

don josé

Ma la risposta?…

 

micaela

Verrò a prenderla prima della mia partenza e la porterò a vostra madre… Addio.

 

don josé

Micaela!

 

micaela

No, no… Ritornerò, preferisco così… ritornerò, ritornerò…

(Esce.)

 

 

Scena VIII

Don José, poi le operaie, Zuniga, soldati.

 

don josé (leggendo)

«Non ve n’è una migliore, e più bella… soprattutto non ve n’è una che ti ami più di lei… e se tu volessi…» Sì, madre mia, sì, farò quel che desideri tu… sposerò Micaela, e quanto a quella zingara, con i suoi fiori stregati…

 

(Nel momento in cui sta per strapparsi i fiori dalla giubba, un gran rumore si leva dall’interno della manifattura).

{ n. 8 - Coro }

(Grida dalle quinte.)

 

zuniga

(uscendo dal posto di guardia, seguito dai soldati)

Ebbene! Ebbene! cosa succede?

(Le sigaraie escono rapidamente e in disordine.)

 

sigaraie (primo gruppo)

Aiuto! Aiuto!

Non sentite?


sigaraie
(secondo gruppo)

Aiuto! aiuto! signori soldati!

 

sigaraie (primo gruppo)

È la Carmencita!

 

sigaraie (secondo gruppo)

No, no, non è lei!

 

sigaraie (primo gruppo, a Zuniga)

È lei! sì, è lei!

È lei che ha colpito per prima!

Non ascoltatele!

Signore! Ascoltate noi!

 

sigaraie (secondo gruppo, a Zuniga)

Non ascoltatele!

Signore! Ascoltate noi!

(tirando Zuniga dalla loro parte)

La Manuelita diceva

E ripeteva a voce alta

Che avrebbe comprato di certo

Un asino che le piaceva.

 

sigaraie (primo gruppo, stessa manovra)

Allora la Carmencita,

Irridente come al solito,

Disse: «Un asino per cosa?

Ti basterà una scopa!»

 

sigaraie (secondo gruppo)

Manuelita ribatté

E disse alla compagna:

«Per una certa passeggiata,

Ti servirà il mio asino!»

 

sigaraie (primo gruppo)

«E quel giorno, potrai

Fare la superba quanto vorrai,

Due lacchè ti seguiranno

Facendoti le feste.»

 

sigaraie (primo e secondo gruppo)

E a questo punto, tutt’e due

Si son prese per i capelli!

 

zuniga (con impazienza)

Al diavolo tutte queste chiacchiere!

(a Don José)

Prendete due uomini, José,

E andate a vedere là dentro, la causa di questo scompiglio!

 

(Don José penetra nella manifattura, seguito da due soldati.)

 

sigaraie (primo gruppo)

È la Carmencita!

 

sigaraie (secondo gruppo)

No, no, non è lei!

 

sigaraie (primo gruppo)

Invece sì, è lei!

 

sigaraie (secondo gruppo)

Proprio no!

 

sigaraie (primo gruppo)

Ha colpito lei per prima!

 

zuniga

Olà!

Allontanatemi tutte queste donne!

 

sigaraie (primo e secondo gruppo)

Signore! Non le ascoltate!

Signore! Ascoltate noi!

 

zuniga

Olà! Soldati!

                           

(I soldati fanno evacuare la piazza. Grida di donne. Sono malmenate dai soldati e respinte fino alla testa del ponte e a una strada a destra. Sull’entrata della manifattura compare Carmen condotta da Don José e seguita da due soldati. Le donne a destra e a sinistra sfuggono e riprendono la loro disputa.)

 

sigaraie (primo gruppo)

È la Carmencita

Che ha colpito per prima!

 

sigaraie (secondo gruppo)

È la Manuelita

Che ha colpito per prima!

 

sigaraie (primo e secondo gruppo)

La Carmencita!

La Manuelita!

Sì! Sì!

No! No!

Lei ha colpito per prima!

 

(I soldati riescono infine a respingere le sigaraie. Le donne sono tenute a distanza da una barriera di dragoni.)

 

 

Scena IX

Gli stessi, Carmen.

{ Dialogo }

zuniga

Vediamo, brigadiere… Ora che abbiamo un po’ di silenzio… Cosa avete trovato là dentro?…

 

 

don josé

Ho trovato innanzitutto trecento donne che gridavano, urlavano, gesticolavano, facevano un chiasso tale da non far sentire neanche il tuono di Dio… Da una parte, ce n’era una, zampe in aria, che gridava: «Confessione! confessione! sono morta…» Aveva sulla faccia una X che le avevano appena fatto con due colpi di coltello… di fronte alla donna ferita, ho visto… Ufficiale, c’è stata una lite, prim’ancora degli oltraggi, e alla fine dei colpi. Una donna ferita.

 

(Si ferma, a uno sguardo di Carmen.)

 

zuniga

Ebbene?… E da chi?

 

don josé

Ho visto la signorina... Ma da lei!

 

zuniga

La signorina Carmencita?

 

don josé

Sì, signor tenente…

 

zuniga

E che cosa diceva, la signorina Carmencita?

 

 

don josé

Non diceva nulla, signor tenente, stringeva i denti e roteava gli occhi come un camaleonte.

 

carmen

Mi avevano provocato… Non ho fatto che difendermi… Il signor brigadiere ve lo dirà…

(a José)

Non è vero, signor brigadiere?

 

don josé

(dopo un momento di esitazione)

Tutto quello che ho potuto capire in mezzo al rumore è che era scoppiata una discussione fra queste due signore, e che in seguito a questa discussione, la signorina, con il coltello che le serve a tagliare la punta dei sigari, aveva cominciato a disegnare delle croci di Sant’Andrea sulla faccia della compagna…

(Il tenente guarda Carmen; costei, dopo aver guardato Don José e aver fatto spallucce, è ridiventata impassibile.)

Il caso mi è sembrato chiaro. Ho pregato la signorina di seguirmi… Dapprima ha fatto un gesto come per far resistenza… poi si è rassegnata… e mi ha seguito, mite come un agnello!

 

zuniga

E la ferita dell’altra donna?

 

don josé

Leggerissima, signor tenente, due sfregi a fior di pelle.

 

zuniga (a Carmen)

Allora, bella mia, avete sentito il brigadiere?

(a Don José)

Non ho bisogno di domandarvi se avete detto la verità.

 

don josé

Parola di navarrese, signor tenente!

 

(Carmen si gira bruscamente e guarda ancora una volta José.)

 

zuniga (a Carmen)

Ebbene… avete sentito?… Avete qualcosa da dire in risposta? Parlate, sto aspettando… Avete sentito? Che cosa ci rispondereste?

 

{ n. 9 - Canzone e Melologo }

carmen (canticchiando)

Tra la la la la la la là,

Spezzami, bruciami,

Nulla ti dirò:

Tra la la la la là,

Io sfido tutto il fuoco,

Il ferro e il cielo stesso.

 

zuniga

Non ti ho chiesto delle canzoni, ma una risposta. Risparmiaci le tue canzoni. Giacché t’ho detto di rispondere, rispondi!

 

 

carmen (guardando sfrontatamente Zuniga)

Tra la la la la la la là,

Il mio segreto, lo serbo

E lo serbo al sicuro!

Tra la la la la la la là.

Amo un altro e muoio

Dicendo che lo amo!

 

zuniga

Ah! ah! la prendiamo su questo tono? Visto che la prendi su questo tono, canterai ai muri della prigione.

(a Don José)

Quel che è certo, non è vero?, è che ci sono state delle coltellate, e che è stata lei a darle?

(In questo momento, tre o quattro donne riescono a forzare lo sbarramento dei soldati e si precipitano sulla scena gridando: «Sì, sì, è lei!» Una delle donne si trova vicino a Carmen. Questa alza la mano e sta per gettarsi sulla donna. Don José ferma Carmen. I soldati allontanano le donne e le respingono fino a farle uscire di scena.)

(a Carmen)

Eh! eh! Accidenti! Siete decisamente svelta di mano.

(ai soldati)

Trovatemi una corda.

 

 

carmen

Tra la la la la la la là…

 

un soldato (portando una corda)

Ecco, signor tenente.

 

zuniga (a Don José)

Prendete, legatemi queste due belle manine.

(Carmen si lascia legare le mani senza fare la minima resistenza.)

È proprio un peccato, perché è carina… ma, per quanto siate carina, non potrete evitare di fare una passeggiata alla prigione. Là potrete cantare le vostre canzoni da zingara… il secondino vi dirà cosa ne pensa. Vado a scrivere l’ordine.

(a Don José)

La condurrete voi.

 

(Zuniga e i soldati rientrano al posto di guardia. Carmen e Don José restano soli.)

 

 

Scena X

Carmen e Don José.

Un attimo di silenzio. Carmen alza gli occhi e guarda Don José. Questi si scosta, si allontana di qualche passo, poi ritorna da Carmen che lo guarda sempre.

 

{ Dialogo }

carmen

Dove mi condurrete?

 

don josé

In prigione e non ci posso far nulla. Eseguo gli ordini., mia povera bambina…

 

carmen

Ahimè! che sarà di me? Signor ufficiale, abbiate pietà di me… Siete così giovane, così buono…

(José non risponde, si allontana e ritorna sempre sotto lo sguardo di Carmen.)

Questa corda, come l’avete stretta, questa corda… ho i polsi spezzati.

 

don josé (avvicinandosi a Carmen)

Se vi fa male posso allentarla… Il tenente mi ha detto di legarvi le mani… non mi ha detto…

 

(Allenta la corda.)

 

carmen (a bassa voce)

Lasciami scappare, ti darò un pezzo della bar lachi, una pietruzza che ti farà amare da tutte le donne.

 

 

(Don José ride.)

 

don josé (allontanandosi)

Non siamo qui per dire sciocchezze… bisogna andare in prigione. Questi sono gli ordini, e non c’è rimedio.

 

(Silenzio.)

 

carmen

Un momento fa avete detto: parola di Navarrese... Siete delle Province?

 

don josé

Io sono di Elizondo...

 

carmen

E io di Etchalar…

 

don josé (fermandosi)

Di Etchalar!… è a quattro ore da Elizondo, Etchalar.

 

 

carmen

Sì, è là che sono nata… Sono stata portata a Siviglia dagli zingari. Lavoravo alla manifattura per guadagnare il necessario per tornare
in Navarra, dalla mia povera madre che ha solo me come sostegno… Mi hanno insultata perché non sono di questo paese di ladri, di venditori di arance marce, e quelle sgualdrine si sono messe tutte contro di me perché ho detto che tutti i loro tipi di Siviglia coi loro coltelli non farebbero paura a un ragazzo dei nostri col suo berretto blu e la sua maquila. Compagno, amico mio, non farete niente per una compaesana?

 

don josé

Voi siete navarrese, voi?

 

carmen

Certo.

 

don josé

Ma no… non c’è niente di vero… bastano i vostri occhi, la bocca, la pelle… tutto dice che siete zingara…

 

carmen

Zingara, credi?

 

don josé

Ne sono sicuro…

 

carmen

Certo, sono troppo buona a prendermi la pena di mentire… Sì, sono zingara, ma Io stessa so bene… che a dispetto dei tuoi comandanti tu farai lo stesso tutto quello che ti chiedo voglio… Lo farai perché mi ami…

 

don josé

Io amarti?

 

carmen

Eh! Sì, José! tu mi ami!… non dirmi di no, lo capisco bene, io!… i tuoi sguardi, il modo con cui mi parli. E questo Il fiore che hai conservato, sai, quello della strega,. Oh! puoi gettarlo adesso… non cambia niente. È rimasto abbastanza sul tuo cuore; l’incantesimo è fatto…

 

don josé (con rabbia)

Non parlarmi più, hai capito! ti proibisco di parlarmi…

 

carmen

Molto bene, signor ufficiale, molto bene. Voi mi proibite di parlare, e io non parlerò più…

{ n. 10 - Seguidilla e Duetto }

(Guarda Don José, che indietreggia. Si ferma presso la fontana e si bagna la testa nell’acqua fredda.)

Presso i bastioni di Siviglia,

Dal mio amico Lillas Pastia,

Andrò a danzar la seguidilla

E a bere manzanilla.

Andrò dal mio amico Lillas Pastia.

Sì, ma da sola ci si annoia,

E i veri piaceri sono a due;

Così, per farmi compagnia,

Ci porterò il mio amore!

(ridendo)

L’amore mio… è andato al diavolo…

L’ho messo ieri alla porta…

Il mio povero cuore tanto consolabile,

Il mio cuore è libero come l’aria!

D’innamorati ne ho a dozzine,

Ma non sono quelli che piacciono a me.

Ecco la fine della settimana:

Chi vuole amarmi? Io l’amerò!

Chi vuole l’anima mia? È lì da prendere!

Arrivate al momento buono!

Non ho il tempo di aspettare,

Poiché con il mio nuovo amante

Presso i bastioni di Siviglia,

Dal mio amico Lillas Pastia

Andrò a danzar la seguidilla

E a bere manzanilla.

Sì, andrò dal mio amico Pastia!

 

don josé (con durezza)

Taci! Ti avevo detto di non parlarmi!

 

carmen (semplicemente)

Non ti parlo, canto per me sola!

E penso! Non è proibito pensare!

Penso a un certo ufficiale che mi ama

E che a mia volta potrei forse amare!

 

don josé (commosso)

Carmen!

 

carmen (con intenzione)

Il mio ufficiale non è un capitano,

E neppure un tenente, è solo un brigadiere;

Ma per una zingara è abbastanza

E ho la bontà di accontentarmi!

 

don josé

Carmen, sono come ubriaco;

Se cedo, se mi concedo,

La tua promessa, la manterrai,

Ah! se ti amo, Carmen, tu mi amerai!

 

carmen

Sì.

 

(Don José scioglie la corda che tiene legate le mani di Carmen.)

 

don josé

Da Lillas Pastia…

 

carmen

Noi danzeremo… la seguidilla…

 

don josé

Lo prometti! Carmen…

 

carmen

Bevendo manzanilla.

 

don josé

Lo prometti!…

 

carmen

Ah!

Presso i bastioni di Siviglia,

Dal mio amico Lillas Pastia,

Noi danzeremo la seguidilla

E berremo manzanilla.

Tra la la la la la la là…

 

 

Scena XI

Gli stessi, Zuniga, soldati.

Zuniga esce dal posto di guardia, seguito dai soldati.

 

{ n. 11 - Finale }

zuniga (a Don José)

Ecco l’ordine; partite.

E fate buona guardia.

 

carmen (a Don José)

In cammino, ti spingerò

Più forte che potrò.

Làsciati rovesciare…

Il resto è affar mio.

(canticchiando e ridendo sotto il naso di Zuniga)

L’amore è zingaro ecc.

 

(Si mette in cammino con Don José. Arrivata all’ingresso del ponte, Carmen dà una spinta ai soldati, fugge e si sottrae ridendo a crepapelle.)

 

{ Entr’acte }

 

Acte II

 

Chez Lillas Pastia, une taverne.

Au lever du rideau, Carmen, Frasquita et Mercédès sont à table avec les officiers. Danse de bohémiennes accompagnée par des bohémiens raclant de guitare et jouant du tambour de basque.

 

 

Scène I

Carmen, Mercédès, Frasquita, Zuniga, Moralès, Pastia, bohémiennes et bohémiens.

(La danse cesse.)

{ n. 12 - Chanson bohème }

carmen

Les tringles des sistres tintaient

Avec un éclat métallique,

Et sur cette étrange musique

Les zingarellas se levaient.

Tambours de basque allaient leur train,

Et les guitares forcenées

Grinçaient sous des mains obstinées,

Même chanson, même refrain!

Tra la la la…

(Danse.)

 

mercédès, frasquita, carmen

Tra la la la…

(La danse cesse.)

 

carmen

Les anneaux de cuivre et d’argent

Reluisaient sur les peaux bistrées;

D’orange ou de rouge zébrées,

Les étoffes flottaient au vent.

La danse au chant se mariait,

D’abord indécise et timide,

Plus vive ensuite et plus rapide…

Cela montait, montait, montait!

Tra la la la…

(Danse.)

 

mercédès, frasquita, carmen

Tra la la la…

(La danse cesse.)

 

carmen

Les bohémiens, à tour de bras,

De leurs instruments faisaient rage,

Et cet éblouissant tapage

Ensorcelait les zingaras.

Sous le rythme de la chanson,

Ardentes, folles, enfiévrées,

Elles se laissaient, enivrées,

Emporter par le tourbillon!

Tra la la la…

 

mercédès, frasquita, carmen

Tra la la la…

(Carmen, Frasquita et Mercédès se mêlent à la danse.)

 

{ Dialogue }

(Avec les dernières notes de l’orchestre, Carmen vient tomber haletante sur un banc de la taverne. Après la danse, Lillas Pastia se met à tourner autour des officiers, d’un air embarrassé.)

 

zuniga

Vous avez quelque chose à nous dire, maître Lillas Pastia?

 

pastia

Mon Dieu, messieurs…

 

moralès

Parle, voyons…

 

pastia

Il commence à se faire tard… et je suis, plus que personne, obligé d’observer les règlements. Monsieur le corrégidor étant assez mal disposé à mon égard… je ne sais pas pourquoi il est mal disposé…

 

zuniga

Je le sais très bien, moi. C’est parce que ton auberge est le rendez-vous ordinaire de tous les contrebandiers de la province.

 

pastia

Que ce soit pour cette raison ou pour une autre, je suis obligé de prendre garde… or, je vous le répète, il commence à se faire tard.

moralès

Cela veut dire que tu nous mets à la porte!…

 

pastia

Oh! Non, messieurs les officier… oh! Non… je vous fais seulement observer que mon auberge devrait être fermée depuis dix minutes…

 

zuniga

Dieu sait ce qui s’y passe dans ton auberge, une fois qu’elle est fermée…

 

pastia

Oh! Mon lieutenant…

 

zuniga

Enfin! Nous avons encore, avant l’appel, le temps d’aller passer une heure au théâtre… vous y viendrez avec nous, n’est-ce pas, les belles?

 

(Pastia fait signe aux bohémiennes de refuser.)

 

frasquita

Non, messieurs les officiers, non, nous restons ici, nous.

 

zuniga

Comment, vous ne viendrez pas…

 

mercédès

C’est impossible….

 

moralès

Mercédès!

 

mercédès

Je regrette…

 

moralès

Frasquita!

 

frasquita

Je suis désolée…

 

zuniga

Mais toi, Carmen… je suis bien sûr que tu ne refuseras pas…

 

carmen

C’est ce qui vous trompe, mon lieutenant… je refuse, et encore plus nettement qu’elles deux, si c’est possible…

 

(Pendant que Zuniga parle à Carmen, Moralès et les deux autres lieutenants essaient de fléchir Frasquita e Mercédès.)

 

zuniga

Tu m’en veux?

 

carmen

Pourquoi vous en voudrais-je?

 

zuniga

Parce qu’il y a un mois j’ai eu la cruauté de t’envoyer à la prison…

 

carmen (comme si elle ne se rappelait pas)

À la prison?

 

zuniga

J’étais de service, je ne pouvais pas faire autrement.

 

carmen (même jeu)

À la prison… je ne me souviens pas d’être allée à la prison…

 

zuniga

Je le sais, pardieu, bien que tu n’y es pas allée… le brigadier qui était chargé de te conduire ayant jugé à propos de te laisser échapper… et de se faire dégrader et emprisonner pour cela…

 

carmen

Dégrader et emprisonner?…

 

zuniga

Mon Dieu, oui!… on n’a pas voulu admettre qu’une aussi petite main ait été assez forte pour renverser un homme…

 

carmen

Oh!

 

zuniga

Cela n’a pas paru naturel…

 

carmen

Et ce pauvre garçon est redevenu simple soldat?

 

zuniga

Oui… et il a passé un mois en prison…

 

carmen

Mais il en est sorti?…

 

zuniga

Depuis hier seulement!

 

carmen (faisant claquer ses castagnettes)

Tout est bien, puisqu’il est sorti, tout est bien.

 

zuniga

À la bonne heure, tu te consoles vite…

 

carmen (à part)

Et j’ai raison…

(haut)

Si vous m’en croyez, vous ferez comme moi; vous voulez nous emmener, nous ne voulons pas vous suivre… vous vous consolerez…

 

moralès

Il faudra bien!

 

(La scène est interrompue par un chœur chanté dans la coulisse.)

{ n. 13 - Chœur }

amis descamillo

Vivat! Vivat le toréro!

Vivat! Vivat Escamillo!

Vivat! Vivat!

 

{ Dialogue }

zuniga

Qu’est-ce que c’est ça?

 

mercédès

Une promenade aux flambeaux…

 

moralès

Et qui promène-t-on?

 

frasquita

Je le reconnais… c’est Escamillo… un toréro qui s’est fait remarquer aux dernières courses de Grenade et qui promet d’égaler la gloire de Montez et de Pepe Illo…

 

moralès

Pardieu, il faut le faire venir… nous boirons en son honneur!

 

zuniga

C’est cela, je vais l’inviter.

(Il va à la fenêtre.)

Monsieur le toréro… voulez-vous nous faire l’amitié de monter ici? Vous y trouverez des gens qui aiment fort tous ceux qui, comme vous, ont de l’adresse et du courage…

(quittant la fenêtre)

Il vient…

 

pastia (suppliant)

Messieurs les officiers, je vous avais dit…

 

zuniga

Ayez la bonté de nous laisser tranquilles, maître Lillas Pastia, et faites-nous apporter de quoi boire…

 

(Entrée d’Escamillo et des amis.)

 

zuniga, amis descamillo, frasquita,

mercédès, carmen, moralès

Vivat! Vivat le toréro!

Vivat! Vivat Escamillo!

Vivat! Vivat!

 

 

Scène II

Les mêmes, Escamillo et ses amis.

{ Dialogue }

zuniga

Ces dames et nous, vous remercions d’avoir accepté notre invitation; nous n’avons pas voulu vous laisser passer sans boire avec vous au grand art de la tauromachie…

 

escamillo

Messieurs les officiers, je vous remercie.

{ n. 14 - Couplets }

Votre toast, je peux vous le rendre,

Séñors, car avec les soldats,

Oui, les toréros peuvent s’entendre:

Pour plaisirs, ils ont les combats!

Le cirque est plein, c’est jour de fête!

Le cirque est plein du haut en bas;

Les spectateurs, perdant la tête,

S’interpellent à grand fracas!

Apostrophes, cris et tapage

Poussés jusques à la fureur!

Car c’est la fête des gens de chœur!

Allons! En garde! Ah!

(avec fatuité)

Toréador, en garde!

Toréador! Toréador!

Et songe bien, oui, songe en combattant

Qu’un œil noir te regarde

Et que l’amour t’attend.

Toréador, l’amour t’attend!

 

zuniga, amis descamillo, frasquita,

mercédès, carmen, moralès, escamillo

Toréador, en garde etc.

 

(Entre les deux couplets Carmen remplit le verre d’Escamillo.)

 

escamillo

Tout d’un coup, on fait silence…

On fait silence… Ah! Que se passe-t-il?

Plus de cris, c’est l’instant!

Le taureau s’élance

En bondissant hors du toril!

Il s’élance! Il entre, il frappe!… un cheval roule,

Entraînant un picador.

«Ah! Bravo! Toro!» hurle la foule,

Le taureau va… il vient… il vient et frappe encor!

En secouant ses banderilles,

Plein de fureur, il court!

Le cirque est plein de sang!

On se sauve, on franchit les grilles!

C’est ton tour maintenant!

Allons! En garde! Ah!

(avec fatuité)

Toréador, en garde etc.

 

zuniga, amis descamillo, frasquita,

mercédès, carmen, moralès, escamillo

Toréador, en garde etc.

 

mercédès

L’amour!

 

escamillo

L’amour!

 

frasquita

L’amour!

 

escamillo

L’amour!

 

carmen (regardant Escamillo)

L’amour!

 

escamillo (regardant Carmen)

L’amour!

 

zuniga, amis descamillo, frasquita,

mercédès, carmen, moralès, escamillo

Toréador, l’amour t’attend!

{ Dialogue }

(On boit, on échange des poignées de main avec le toréro.)

 

pastia

Messieurs les officiers, je vous en prie.

 

zuniga

C’est bien, c’est bien, nous partons.

(Les officiers commencent à se préparer à partir. Escamillo se trouve près de Carmen.)

 

escamillo

Dis-moi ton nom, et la première fois que je frapperai le taureau, ce sera ton nom que je prononcerai.

 

carmen

Je m’appelle la Carmencita.

 

escamillo

La Carmencita?

 

carmen

Carmen, la Carmencita, comme tu voudras.

 

escamillo

Eh bien, Carmen, ou la Carmencita, si je m’avisais de t’aimer et de vouloir être aimé de toi, qu’est ce que tu me répondrais?

 

carmen

Je répondrais que tu peux m’aimer tout à ton aise, mais que quant à être aimé de moi, pour le moment il n’y faut pas songer!

 

escamillo

Ah!

 

carmen

C’est comme ça.

 

escamillo

J’attendrai alors, et je me contenterai d’espérer…

 

carmen

Il n’est pas défendu d’attendre, et il est toujours agréable d’espérer.

 

moralès (à Frasquita et à Mercédès)

Vous ne venez pas décidément?

 

mercédès, frasquita

(sur un nouveau signe de Pastia)

Mais non, mais non…

 

moralès (à Zuniga)

Mauvaise campagne, lieutenant!…

 

zuniga

Bah! La bataille n’est pas encore perdue…

(bas, à Carmen)

Écoute-moi, Carmen: puisque tu ne veux pas venir avec nous, c’est moi qui dans une heure reviendrai ici…

 

carmen

Ici?…

 

zuniga

Oui, dans une heure… après l’appel.

 

carmen

Je ne vous conseille pas de revenir…

 

zuniga (riant)

Je reviendrai tout de même.

(haut)

Nous partons avec vous, toréro, et nous vous joindrons au cortège qui vous accompagne.

 

escamillo

C’est un grand honneur pour moi; je tâcherai de ne pas me montrer indigne lorsque je combattrai sous vos yeux.

 

(Tout le monde sort, excepté Carmen, Frasquita, Mercédès et Lillas Pastia.)

 

{ n. 14 bis - Sortie d’Escamillo }

 

 

Scène III

Carmen, Mercédès, Frasquita, Pastia.

 

{ Dialogue }

frasquita (à Pastia)

Pourquoi étais-tu si pressé de les faire partir et pourquoi nous as-tu fait signe de ne pas les suivre?

 

pastia

Le Dancaïre et le Remendado viennent d’arriver… ils ont à vous parler de vos affaires, des affaires d’Égypte.

 

carmen

Le Dancaïre et le Remendado?…

 

pastia (ouvrant une porte et appelant du geste)

Oui, les voici… tenez…

 

(Entrent le Dancaïre et le Remendado. Pastia ferme les portes, met les volets etc., puis s’en va.)

 

 

Scène IV

Carmen, Mercédès, Frasquita, Le Dancaïre et le Remendado.

 

frasquita

Eh bien, les nouvelles?

 

le dancaïre

Pas trop mauvaises les nouvelles; nous arrivons de Gibraltar…

 

le remendado

Jolie ville, Gibraltar… on y voit des anglais, beaucoup d’anglais, de jolis hommes les anglais; un peu froids, mais distingués.

 

le dancaïre

Remendado!…

 

le remendado

Patron.

 

le dancaïre (mettant la main sur son couteau)

Vous comprenez?

 

le remendado

Parfaitement patron…

 

le dancaïre

Taisez-vous, alors. Nous arrivons de Gibraltar, nous avons arrangé avec un patron de navire l’embarquement de marchandises anglaises. Nous irons les attendre près de la côte, nous en cacherons une partie dans la montagne et nous ferons passer le reste. Tous nos camarades ont été prévenus… ils sont ici, cachés, mais c’est de vous trois surtout que Nous avons quelques bons coups à faire. Mais nous avons besoin de vous… vous allez partir avec nous…

 

carmen (riant)

Pourquoi faire? Pour vous aider à porter les ballots? Besoin de nous?

 

le remendado

Oh! Non… faire porter des ballots à des dames… ça ne serait pas distingué.

 

le dancaïre (menaçant)

Remendado?

 

le remendado

Oui, patron.

 

le dancaïre

Nous ne ferons pas porter les ballots, mais nous aurons besoin de vous pour autre chose. Oui, de vous!

{ n. 15 - Quintette }

Nous avons en tête une affaire…

 

mercédès, frasquita

Est-elle bonne, dites-nous?

 

le dancaïre

Elle est admirable, ma chère;

Mais nous avons besoin de vous!

 

le remendado

Oui, nous avons besoin de vous!

 

carmen, frasquita, mercédès

De nous?

Quoi! Vous avez besoin de nous?

 

le remendado, le dancaïre

De vous!

Oui, nous avons besoin de vous!

Car nous l’avouons humblement

Et fort respectueusement:

Quand il s’agit de tromperie,

De duperie,

De volerie,

Il est toujours bon, sur ma foi,

D’avoir les femmes avec soi.

Et sans elles,

Mes toutes belles,

On ne fait jamais rien

De bien!

 

mercédès, frasquita, carmen

Quoi! Sans nous jamais rien

De bien?

 

le remendado, le dancaïre

N’êtes-vous pas de cet avis?

 

mercédès, frasquita, carmen

Si fait, je suis

De cet avis.

 

tous les cinq

Quand il s’agit de tromperie etc.

 

le dancaïre

C’est dit, alors; vous partirez?

 

mercédès, frasquita

Quand vous voudrez.

 

le dancaïre

Mais… tout de suite…

 

carmen

Ah! Permettez… permettez!

S’il vous plaît de partir… partez!

Mais je ne suis pas du voyage.

Je ne pars pas… je ne pars pas!

 

le dancaïre, le remendado

Carmen, mon amour, tu viendras,

Et tu n’auras pas le courage

De nous laisser dans l’embarras!

 

mercédès, frasquita

Ah! ma Carmen, tu viendras!

 

le dancaïre

Mais, au moins la raison, Carmen, tu la diras!

 

tous les quatre

La raison!

 

carmen

Je la dirai certainement.

 

tous les quatre

Voyons!

 

carmen

La raison, c’est qu’en ce moment…

 

tous les quatre

Eh bien?

 

carmen

Je suis amoureuse!

 

le remendado, le dancaïre

Qu’a-t-elle dit?

 

mercédès, frasquita

Elle dit qu’elle est amoureuse!

 

tous les quatre

Amoureuse!

 

carmen

Oui, amoureuse!

 

le dancaïre

Voyons, Carmen, sois sérieuse!

 

carmen

Amoureuse à perdre l’esprit!

 

le remendado, le dancaïre (avec ironie)

La chose, certes, nous étonne,

Mais ce n’est pas le premier jour

Où vous aurez su, ma mignonne,

Faire marcher de front le devoir et l’amour.

 

carmen (franchement)

Mes amis, je serais fort aise

De partir avec vous ce soir;

Mais cette fois, ne vous déplaise,

Il faudra que l’amour passe avant le devoir;

Ce soir l’amour passe avant le devoir!

 

le dancaïre

Ce n’est pas là ton dernier mot?

 

carmen

Absolument!

 

le remendado

Il faut que tu te laisses attendrir!

 

tous les quatre

Il faut venir, Carmen, il faut venir!

Pour notre affaire,

C’est nécessaire; car entre nous…

 

carmen

Quant à cela, je l’admets avec vous …

 

tous les cinq

Quand il s’agit de tromperie etc.

{ Dialogue }

le dancaïre

En voilà assez; je t’ai dit qu’il fallait venir, et tu viendras… je suis le chef…

 

carmen

Comment dis-tu ça?

 

le dancaïre

Je te dis que je suis le chef…

 

carmen

Et tu crois que je t’obéirai?…

 

le dancaïre (furieux)

Carmen!…

 

carmen (très calme)

Eh bien!…

 

le remendado

(se jetant entre le Dancaïre et Carmen)

Je vous en prie… des personnes si distinguées…

 

le dancaïre

(envoyant un coup de pied que le Remendado évite)

Attrape ça, toi…

 

le remendado (se redressant)

Patron!…

 

le dancaïre

Qu’est-ce que c’est?

 

le remendado

Rien, patron!

 

le dancaïre

Amoureuse… ce n’est pas une raison, cela.

 

le remendado

Le fait est que ce n’en est pas une… moi aussi, je suis amoureux, et ça ne m’empêche pas de me rendre utile.

 

carmen

Partez sans moi… j’irai vous rejoindre demain… mais pour ce soir, je reste…

 

frasquita

Je ne t’ai jamais vue comme cela; qui attends-tu donc?

 

carmen

Un pauvre diable de soldat qui m’a rendu service…

 

 

mercédès

Ce soldat qui était en prison?

 

carmen

Oui…

 

frasquita

Et à qui, il y a quinze jours, le geôlier a remis de ta part un pain dans lequel il y avait une pièce d’or et une lime?…

 

carmen (remontant vers la fenêtre)

Oui.

 

le dancaïre

Il s’en est servi de cette lime?…

 

carmen (du même)

Non.

 

le dancaïre

Tu vois bien! ton soldat aura eu peur d’être punis plus rudement qu’il ne l’avait été; ce soir encore il aura peur… tu auras beau entr’ouvrir les volets et regarder s’il vient, je parierais qu’il ne viendras pas.

 

carmen

Ne parie pas, tu perdrais…

 

{ n. 16 - Chanson }

don josé (dans la coulisse, de très loin)

Halte-là!

Qui va là?

Dragon d’Alcala!

Où t’en va tu par là,

Dragon d’Alcala?

Moi, je m’en vais faire

Mordre la poussière

À mon adversaire.

S’il en est ainsi,

Passez, mon ami.

Affaire d’honneur,

Affaire de cœur;

Pour nous tout est là,

Dragons d’Alcala!

 

(Pendant qu’il chante, Carmen, le Dancaïre, le Remendado, Mercédès et Frasquita, par les volets entr’ouverts, regardent venir Don José.)

 

{ Dialogue }

mercédès

C’est un dragon, ma foi.

 

frasquita

Et un beau dragon.

 

le dancaïre (à Carmen)

Eh bien, puisque tu ne veux pas venir que demain, sais-tu au moins ce que tu devrais faire?

 

carmen

Qu’est ce que je devrais faire?

 

le dancaïre

Tu devrais décider ton dragon à venir avec toi et de se joindre à nous.

 

carmen

Ah!… si cela se pouvait!… mais il n’y faut pas penser… ce sont des bêtises… il est trop niais.

 

le dancaïre

Pourquoi l’aimes-tu puisque tu conviens toi-même…

 

carmen

Parce qu’il est joli garçon donc et qu’il me plaît.

 

le remendado

Le patron ne comprend pas ça, lui… qu’il suffise d’être joli garçon pour plaire aux femmes…

 

le dancaïre

Attends un peu, toi, attends un peu…

 

(Le Remendado se sauve et sort. Le Dancaïre le poursuit et sort à son tour entraînant Mercédès et Frasquita qui essaient de le calmer.)

 

don josé (la voix se rapproche peu à peu)

Halte-là! Qui va là?

Dragon d’Alcala!

Où t’en va-tu par là,

Dragon d’Alcala?

Exact et fidèle,

Je vais où m’appelle

L’amour de ma belle!

S’il en est ainsi etc.

 

(Don José paraît.)

 

 

Scène V

Don José, Carmen, puis Pastia.

{ Dialogue }

carmen

Enfin… te voilà… C’est bien heureux!

 

don josé

Il y a deux heures seulement que je suis sorti de prison. Carmen!

 

carmen

Qui t’empêchait de sortir plus tôt? Je t’avais envoyé une lime et une pièce d’or… avec la lime il fallait scier le plus gros barreau de ta prison… avec la pièce d’or il fallait, chez le premier fripier venu, changer ton uniforme pour un habit bourgeois.

Et tu sors de prison?

 

don josé

En effet, tout cela était possible.

J’y suis resté deux mois. Et si c’était pour toi, j’y voudrais être encore.

 

carmen

Pourquoi ne l’as-tu pas fait?

 

don josé

Que veux-tu? J’ai encore mon honneur de soldat, et déserter me semblerait un grand crime… Oh! Je ne t’en suis pas moins reconnaissant… Tu m’as envoyé une lime et une pièce d’or… La lime me servira pour affiler ma lance et je la garde comme souvenir de toi.

(lui tendant la pièce d’or)

Quant à l’argent…

 

carmen

Tiens, il l’a gardé!… ça se trouve à merveille…

(criant et frappant)

Holà!… Lillas Pastia, holà!… nous mangerons tout… tu me régales… Holà! Holà!

 

(Entre Pastia.)

 

pastia (l’empêchant de crier)

Prenez donc garde…

 

carmen (lui jetant la pièce)

Tiens, attrape… et apporte-nous des fruits confits; apporte-nous des bonbons, apporte-nous des oranges, apporte-nous du manzanilla… apporte-nous de tout ce que tu as, de tout, de tout…

 

pastia

Tout de suite, mademoiselle Carmencita.

(Il sort.)

 

carmen (à José)

Tu m’en veux alors et tu regrettes de t’être fait mettre en prison pour mes beaux yeux?

 

don josé

Quant a cela, non, par exemple.

 

carmen

Vraiment.

 

don josé

L’on m’a mis en prison, l’on m’a ôté mon grade, mais ça m’est égal.

 

carmen

Parce que tu m’aimes, donc?

 

don josé

Oui, parce que je t’aime, parce que Moi? je t’adore.

 

carmen

(mettant ses deux mains dans les mains de José)

Je paie mes dettes: c’est notre loi à nous autres bohémiennes… Je paie mes dettes… je paie mes dettes…

(Rentre Lillas Pastia apportant sur un plateau des oranges, des bonbons, des fruits confits, du manzanilla.)

Mets tout cela ici… d’un seul coup, n’aie pas peur…

(Pastia obéit et la moitié des objets roule par terre.)

Ça ne fait rien, nous ramasserons tout ça nous-mêmes… sauve-toi maintenant, sauve-toi, sauve-toi!

(Pastia sort)

Mets-toi là et mangeons de tout! De tout! De tout!

(Elle est assise; Don José s’assied en face d’elle.)

 

don josé

Tu croques les bonbons comme un enfant de six ans…

 

carmen

C’est que je les aime… Ton lieutenant était ici tout à l’heure, avec d’autres officiers, ils nous ont il m’a fait danser la romalis…

 

don josé

Tu as dansé? Comment, toi!?

 

carmen

Oui; et quand j’ai dansé, ton lieutenant s’est permis de me dire qu’il m’adorait…

 

don josé

Carmen!…

 

carmen

Qu’est ce que tu as? Est-ce que tu serais Es-tu jaloux, par hasard?

 

don josé

Mais certainement, Eh oui, je suis jaloux…

 

carmen

Ah bien!… Canari, va! … tu es un vrai canari d’habit et de caractère… allons, ne te fâche pas… pourquoi est-tu jaloux? Parce que j’ai dansé tout à l’heure pour ces officiers… Eh, bien, si tu le veux, je danserai pour toi maintenant, pour toi tout seul.

 

don josé

Si je le veux, je crois bien que je le veux…

 

carmen

Où sont mes castagnettes… qu’est-ce que j’ai fait de mes castagnettes?

(en riant)

C’est toi qui me les a prises, mes castagnettes?

 

don josé

Mais non!

 

carmen (tendrement)

Mais si, mais si… je suis sûr que c’est toi… ah! bah! en voilà des castagnettes…

(Elle casse une assiette, avec deux morceaux de faïence, se fait des castagnettes et les essaie…)

Ah, ça ne vaudra jamais, mes castagnettes… Où sont-elles donc?

 

don josé

(trouvant les castagnettes sur la table à droite)

Tiens! Les voici.

 

carmen (riant)

Ah! Tu vois bien… c’est toi qui les avais prises…

 

don josé

Ah! Que je t’aime, Carmen, que je t’aime!

 

carmen

Je l’espère bien.

{ n. 17 - Duo }

(gaîment)

Je vais danser en votre honneur,

Et vous verrez, seigneur,

Comment je sais moi-même accompagner ma danse!

(faisant asseoir Don José)

Mettez-vous là, Don José;

(ave une solennité comique)

Je commence!

(dansant et accompagnant de ses castagnettes)

La la la la la la la la…

(On entend des clairons dans la coulisse de très loin.)

La la la la la la la la…

 

don josé (arrêtant Carmen)

Attends un peu, Carmen, rien qu’un moment… arrête!

 

carmen (étonnée)

Et pourquoi, s’il te plaît?

 

don josé

Il me semble… là-bas…

(Les clairons se rapprochent.)

Oui, ce sont nos clairons qui sonnent la retraite.

Ne les entends-tu pas?

 

carmen (avec joie)

Bravo! bravo! j’avais beau faire… il est mélancolique

De danser sans orchestre… Et vive la musique

Qui nous tombe du ciel!

(dansant et jouant des castagnettes)

La la la la la la la la…

(Les clairons s’éloignent.)

 

 

don josé

(arrêtant encore Carmen)

Tu ne m’as pas compris. Carmen… c’est la retraite,

Il faut que moi, je rentre au quartier pour l’appel!

 

carmen (stupéfaite)

Au quartier!… pour l’appel!…

(éclatant)

Ah! j’étais vraiment trop bête!

Je me mettais en quatre et je faisais des frais,

Oui, je faisais des frais

Pour amuser monsieur. Je chantais! je dansais!

Je crois, Dieu me pardonne,

qu’un peu plus, je l’aimais!

Ta ra ta ta… c’est le clairon qui sonne!

Ta ra ta ta… Il part… il est parti!

Va-t’en donc, canari!

(avec fureur, en lui envoyant son shako à la volée)

Tiens! prends ton shako, ton sabre, ta giberne,

Et va-t’en, mon garçon, retourne à ta caserne!

 

don josé (avec tristesse)

C’est mal à toi, Carmen, de te moquer de moi!

Je souffre de partir, car jamais,

Jamais femme avant toi,

Aussi profondément n’avait troublé mon âme!

 

carmen

(en exagérant le ton passionné de Don José)

Il souffre de partir, car jamais,

Jamais femme avant moi,

Aussi profondément n’avait troublé son âme!

Ta ra ta ta… Mon Dieu! c’est la retraite!

Ta ra ta ta… Je vais être en retard!

Ô mon Dieu! C’est la retraite!

Je vais être en retard! Il perd la tête! il court!

Et voilà son amour!

 

don josé

Ainsi tu ne crois pas

À mon amour?

 

carmen

Mais non!

 

don josé

Eh bien! Tu m’entendras!

 

carmen

Je ne veux rien entendre!

 

don josé

Tu m’entendras!

 

carmen

Tu vas te faire attendre!

Non! non! …

 

don josé

Oui, tu m’entendras!

(violemment)

Je le veux! Carmen, tu m’entendras!

(Il tire de sa veste d’uniforme la fleur que Carmen lui a jetée au premier acte, il montre cette fleur à Carmen.)

La fleur que tu m’avais jetée

Dans ma prison m’était restée,

Flétrie et sèche, cette fleur

Gardait toujours sa douce odeur;

Et pendant des heures entières,

Sur mes yeux, fermant mes paupières,

De cette odeur je m’enivrais

Et dans la nuit je te voyais!

Je me prenais à te maudire,

À te détester, à me dire:

Pourquoi faut-il que le destin

L’ait mise là sur mon chemin!

Puis je m’accusais de blasphème,

Et je ne sentais en moi-même,

Je ne sentais qu’un seul désir, un seul espoir:

Te revoir, ô Carmen, oui, te revoir!

Car tu n’avais eu qu’à paraître,

Qu’à jeter un regard sur moi,

Pour t’emparer de tout mon être,

Ô ma Carmen! Et j’étais une chose à toi!

Carmen, je t’aime!

 

 

 

carmen

Non! tu ne m’aimes pas!

 

don josé

Que dis-tu?

 

carmen

Non! tu ne m’aimes pas!

Non! Car si tu m’aimais,

Là-bas, là-bas tu me suivrais!

 

don josé

Carmen!

 

carmen

Oui! Là-bas, là-bas dans la montagne…

 

don josé

Carmen!

 

carmen

Là-bas, là-bas tu me suivrais!

Sur ton cheval tu me prendrais,

Et comme un brave à travers la campagne,

En croupe, tu m’emporterais!

Là-bas, là-bas dans la montagne…

 

don josé (troublé)

Carmen!

 

carmen

Là-bas, là-bas tu me suivrais!

Tu me suivrais, si tu m’aimais!

Tu n’y dépendrais de personne;

Point d’officier à qui tu doives obéir,

Et point de retraite qui sonne

Pour dire à l’amoureux qu’il est temps de partir!

Le ciel ouvert, la vie errante;

Pour pays tout l’univers; et pour loi ta volonté!

Et surtout la chose enivrante:

La liberté! La liberté!

 

don josé

Mon Dieu!

 

carmen

Là-bas, là-bas dans la montagne!

 

don josé (très ébranlé)

Carmen!

 

carmen

Là-bas, là-bas si tu m’aimais…

 

don josé

Tais-toi!

 

carmen

Là-bas, là-bas tu me suivrais etc.

 

don josé

Ah! Carmen, hélas! tais-toi!

Mon Dieu! Hélas! Pitié! Hélas!…

(s’arrachant violemment des bras de Carmen)

Non! je ne veux plus t’écouter!

Quitter mon drapeau… déserter…

C’est la honte… c’est l’infamie!…

Je n’en veux pas!

 

carmen (durement)

Eh bien! pars!

 

don josé (suppliant)

Carmen, je t’en prie!

 

carmen

Non! Je ne t’aime plus!

 

don josé

Écoute!

 

carmen

Va! je te hais!

 

don josé

Carmen!

 

carmen

Adieu! Mais adieu pour jamais!

 

don josé (avec douleur)

Eh bien! soit! adieu!

Adieu pour jamais!

 

carmen

Va-t-en!

 

don josé

Carmen! Adieu! adieu pour jamais!

 

carmen

Adieu!

(José se dirige vers la porte. Au moment où il va ouvrir, on frappe. Silence.)

 

 

Scène VI

Les mêmes, Zuniga, puis le Dancaïre, le Remendado, les bohémiennes et les bohémiens.

 

{ n. 18 - Final }

zuniga (au dehors)

Holà! Carmen! Holà! Holà!

 

don josé

Qui frappe? Qui vient là?

 

carmen

Tais-toi… tais-toi!

 

zuniga (entrant après avoir fait sauter la porte)

J’ouvre moi-même… et j’entre…

(Il aperçoit Don José; à Carmen)

Ah! fi! ah! fi! la belle!

Le choix n’est pas heureux!
C’est se mésallier

De prendre le soldat quand on a l’officier.

(à Don José)

Allons, décampe!

 

don josé (calme, mais résolu)

Non!

 

zuniga

Si fait! tu partiras.

 

don josé

Je ne partirai pas!

 

zuniga (menaçant Don José)

Drôle!

 

don josé (sautant sur son sabre)

Tonnerre!… il va pleuvoir des coups!

 

carmen (se jetant entre eux)

Au diable le jaloux!

À moi! à moi!

(Les bohémiens et les bohémiennes paraissent de tous les côtés; sur un geste de Carmen, le Dancaïre et le Remendado se jettent sur Zuniga et le désarment.)

(à Zuniga d’un ton moqueur)

Bel officier, bel officier, l’amour

Vous joue en ce moment un assez vilain tour!

Vous arrivez fort mal!

Hélas! et nous sommes forcés,

Ne voulant être dénoncés,

De vous garder au moins… pendant une heure.

 

le remendado, le dancaïre

(à Zuniga, le pistolet à la main et avec la plus grande politesse)

Mon cher monsieur!

Nous allons, s’il vous plaît,

Quitter cette demeure;

Vous viendrez avec nous?

 

carmen (riant)

C’est une promenade.

 

le remendado, le dancaïre

Consentez-vous?

 

le dancaïre, le remendado, les bohémiens

Répondez, camarade!

 

zuniga (prenant son parti gaîment)

Certainement.

D’autant plus que votre argument

Est un de ceux auxquels on ne résiste guère!

(toujours gaîment)

Mais gare à vous!… plus tard!

 

le dancaïre (avec philosophie)

La guerre, c’est la guerre!...

En attendant, mon officier,

Passez devant sans vous faire prier!

 

le remendado, les bohémiens

Passez devant sans vous faire prier!

(Zuniga sort emmené par les bohémiens.)

 

carmen (à Don José)

Es-tu des nôtres maintenant?

 

don josé (soupirant)

Il le faut bien!

 

carmen

Ah!

Le mot n’est pas galant!

Mais, qu’importe! Va… tu t’y feras,

Quand tu verras

Comme c’est beau, la vie errante;

Pour pays tout l’univers, et pour loi ta volonté!

Et surtout, la chose enivrante:

La liberté! La liberté!

 

tous (excepté Don José)

Suis-nous à travers la campagne,

Viens avec nous dans la montagne,

Suis-nous et tu t’y feras,

Quand tu verras, là-bas,

Comme c’est beau, la vie errante etc.

 

don josé (entraîné)

Ah!

La vie errante, le ciel ouvert etc.

 

 

 

{ Intermezzo }

 

Atto II

 

Da Lillas Pastia, una taverna.

All’alzarsi del sipario, Carmen, Frasquita e Mercedes sono a tavola con gli ufficiali. Danza di zingare accompagnata da zingari che grattano la chitarra e suonano il tamburo basco.

 

 

Scena I

Carmen, Mercedes, Frasquita, Zuniga, Morales, Pastia, zingare e zingari.

(Cessa la danza.)

{ n. 12 - Canzone gitana }

carmen

Le lamine dei sistri tintinnavano

Con un bagliore metallico,

E su questa musica strana

Le zingarelle si alzavano.

Tamburi baschi risuonavano,

E le chitarre frenetiche

Stridevano sotto le mani ostinate,

Stessa canzone, stesso ritornello!

Tra la la là…

(Danza.)

 

mercedes, frasquita, carmen

Tra la la là…

(Cessa la danza.)

 

carmen

Gli anelli di rame e d’argento

Lucevano sulle pelli olivastre;

D’arancio o di rosso zebrate,

Le stoffe volavano al vento.

La danza al canto si univa,

Dapprima indecisa ed esitante,

Più viva e più rapida poi…

Saliva, saliva, saliva!

Tra la la là…

(Danza.)

 

mercedes, frasquita, carmen

Tra la la là…

(Cessa la danza.)

 

carmen

Gli zingari, a tutta forza,

Infuriavano sui loro strumenti,

E quello strepito stupefacente

Stregava le zingare.

Sotto il ritmo della canzone,

Ardenti, folli, febbrili,

Si lasciavano, inebriate,

Rapire dal turbine!

Tra la la là…

 

mercedes, frasquita, carmen

Tra la la là…

(Anche Carmen, Frasquita e Mercedes si uniscono alla danza.)

{ Dialogo }

(Con le ultime note dell’orchestra, Carmen viene a gettarsi ansimante su una panca della taverna. Dopo la danza, Lillas Pastia si mette a girare intorno agli ufficiali, con aria imbarazzata.)

 

zuniga

Dovete dirci qualche cosa, mastro Lillas Pastia?

 

pastia

Mio Dio, signori…

 

morales

Parla, su…

 

pastia

Comincia a farsi tardi… e più di chiunque altro io sono obbligato a rispettare i regolamenti. Poiché il signor corregidor è piuttosto mal disposto nei miei confronti… non so proprio perché è mal disposto…

 

zuniga

Lo so io, il perché. È perché la tua locanda è il ritrovo di tutti i contrabbandieri della provincia.

 

pastia

Che sia per questa ragione o per un’altra, sono obbligato a stare attento… ora, ve lo ripeto, comincia a farsi tardi.

 

morales

Questo vuol dire che ci metti alla porta!…

 

pastia

Oh! no, signori ufficiali… oh! no… vi faccio solo osservare che la mia locanda dovrebbe essere chiusa da dieci minuti…

 

 

zuniga

Dio sa cosa succede nella tua locanda una volta chiusa…

 

pastia

Oh, signor tenente…

 

zuniga

Insomma! Abbiamo ancora il tempo, prima dell’appello, di andare a passare un’ora a tea­tro… verrete con noi, vero, bellezze?

 

(Pastia fa segno alle zingare di rifiutare.)

 

frasquita

No, signori ufficiali, no, noi restiamo qua.

 

 

zuniga

Come, non verrete...

 

mercedes

È impossibile…

 

morales

Mercedes!

 

mercedes

Mi dispiace…

 

morales

Frasquita!

 

frasquita

Sono desolata…

 

zuniga

Ma tu, Carmen… sono certo che tu non rifiuterai…

 

 

carmen

E vi sbagliate, tenente… io rifiuto, e, se è possibile, ancor più decisamente di loro due…

 

 

(Mentre Zuniga parla a Carmen, Morales e gli altri due tenenti cercano di convincere Frasquita e Mercedes.)

 

 

zuniga

Ce l’hai con me?

 

carmen

E per quale ragione?

 

zuniga

Perché un mese fa sono stato così crudele da mandarti in prigione…

 

carmen (come se non ricordasse)

In prigione?…

 

zuniga

Ero di servizio, non potevo fare altrimenti.

 

carmen (stesso atteggiamento)

In prigione… non ricordo di essere andata in prigione…

 

zuniga

Lo so bene, perdio, che non ci sei andata… il brigadiere che doveva portarti dentro aveva infatti deciso di lasciarti scappare… e di farsi perciò degradare e imprigionare…

 

carmen

Degradare e imprigionare?…

 

zuniga

Mio Dio, sì!… non si è voluto ammettere che una mano così piccola fosse abbastanza forte da rovesciare un uomo…

 

carmen

Oh!

 

zuniga

Non è parso naturale…

 

carmen

E quel povero ragazzo è ridiventato soldato semplice?

 

zuniga

Sì… e ha passato un mese in prigione…

 

carmen

Ma ne è uscito?…

 

zuniga

Solo da ieri!

 

carmen (facendo suonare le nacchere)

Va tutto bene, dato che è uscito, va tutto bene.

 

zuniga

Alla buon’ora, ti consoli in fretta…

 

carmen (a parte)

E faccio bene…

(a voce alta)

Se mi date ascolto, farete come me; volete condurci via, noi non vi vogliamo seguire… vi consolerete…

 

morales

Per forza!

 

(La scena è interrotta da un coro cantato fra le quinte.)

 

{ n. 13 - Coro }

amici di escamillo

Viva! Viva il torero!

Viva! Viva Escamillo!

Viva! Viva!

 

{ Dialogo }

zuniga

Che cos’è?

 

mercedes

Una passeggiata al lume delle fiaccole…

 

morales

E per chi?

 

frasquita

Lo riconosco… è Escamillo… un torero che si è fatto notare nelle ultime corride di Granata e che promette di eguagliare la gloria di Montez e di Pepe Illo…

 

morales

Perdio, bisogna farlo venire… berremo in suo onore!

 

 

zuniga

Certo, vado a invitarlo.

(Va alla finestra.)

Signor torero… volete farci l’onore di salire qui? Vi troverete gente a cui piacciono tutti quelli che, come voi, hanno abilità e coraggio…

(allontanandosi dalla finestra)

Viene…

 

 

pastia (supplichevole)

Signori ufficiali, vi avevo detto…

 

zuniga

Abbiate la bontà di lasciarci tranquilli, mastro Lillas Pastia, e fateci portare da bere…

 

(Compare Escamillo con i suoi amici.)

 

zuniga, amici di escamillo, frasquita, mercedes, carmen, morales

Viva! Viva il torero!

Viva! Viva Escamillo!

Viva! Viva!

 

 

Scena II

Gli stessi, Escamillo e i suoi amici.

{ Dialogo }

zuniga

Queste signore e noi, vi ringraziamo di aver accettato il nostro invito; non abbiamo voluto lasciarvi passare senza brindare con voi alla grande arte della tauromachia…

 

escamillo

Signori ufficiali, vi ringrazio.

{ n. 14 - Strofe }

Il vostro brindisi posso ricambiarlo,

Señores, poiché coi soldati,

Sì, i toreri si possono intendere:

Hanno entrambi il piacere di battersi!

L’arena è piena, è giorno di festa!

Gli spettatori, perdendo la testa,

Si chiamano con gran frastuono!

Richiami, grida e rumore

Spinti fino al furore!

Poiché è la festa del coraggio!

La festa della gente di fegato!

Dài! In guardia! Ah!

(fatuo)

Toreador, attento!

Toreador! Toreador!

E pensa, sì, pensa combattendo

Che un occhio nero ti guarda

E che l’amore ti aspetta.

Toreador, l’amore ti aspetta!

 

zuniga, amici di escamillo, frasquita, mercedes, carmen, morales, escamillo

Toreador, attento ecc.

 

(Fra le due strofe Carmen riempie il bicchiere di Escamillo.)

 

escamillo

D’improvviso, si fa silenzio…

Si fa silenzio… Ah! che succede?

Non più grida, è il momento!

Il toro si slancia

Balzando fuori dal recinto!

Si slancia! entra, colpisce!… un cavallo stramazza,

Trascinando un picador:

«Ah! bravo! Toro!» urla la folla,

Il toro va… viene… viene e colpisce ancora!

E scuotendo le sue banderille,

Corre infuriato!

L’arena è piena di sangue!

Scappano, saltano oltre le griglie!

Ora è il tuo momento!

Dai! In guardia! Ah!

(fatuo)

Toreador, attento ecc.

 

zuniga, amici di escamillo, frasquita, mercedes, carmen, morales, escamillo

Toreador, attento ecc.

 

mercedes

L’amore!

 

escamillo

L’amore!

 

frasquita

L’amore!

 

escamillo

L’amore!

 

carmen (guardando Escamillo)

L’amore!

 

escamillo (guardando Carmen)

L’amore!

 

zuniga, amici di escamillo, frasquita, mercedes, carmen, morales, escamillo

Toreador, l’amore ti aspetta!

{ Dialogo }

 (Bevono, stringono la mano al torero.)

 

 

pastia

Signori ufficiali, ve ne prego.

 

zuniga

Va bene, va bene, ce ne andiamo.

(Gli ufficiali si preparano a partire. Escamillo si trova vicino a Carmen.)

 

escamillo

Dimmi il tuo nome, e la prima volta che colpirò il toro, sarà il tuo nome che pronuncerò.

 

carmen

Mi chiamo la Carmencita.

 

escamillo

La Carmencita?

 

carmen

Carmen, la Carmencita, come vorrai tu.

 

escamillo

Ebbene, Carmen, o la Carmencita, se mi venisse in mente di amarti e di essere amato da te, cosa mi risponderesti?

 

carmen

Risponderei che puoi amarmi quanto ti pare, ma che, quanto a essere amato da me, per ora è meglio non pensarci!

 

escamillo

Ah!

 

carmen

È così.

 

escamillo

Allora aspetterò, e mi accontenterò di sperare…

 

carmen

Non è proibito aspettare, ed è sempre bello sperare.

 

 

morales (a Frasquita e Mercedes)

Voi non venite proprio?

 

mercedes, frasquita

(a un nuovo segno di Pastia)

Ma no, ma no…

 

morales (a Zuniga)

Una campagna andata male, tenente!…

 

zuniga

Bah! la battaglia non è ancora perduta…

(piano, a Carmen)

Ascoltami, Carmen: se tu non vuoi venire con noi, sono io che, fra un’ora, tornerò qui…

 

 

carmen

Qui?…

 

zuniga

Sì, fra un’ora… dopo l’appello.

 

carmen

Non vi consiglio di tornare…

 

zuniga (ridendo)

Tornerò lo stesso.

(a voce alta)

Ce ne andiamo con voi, torero, e ci uniamo al corteo che vi accompagna.

 

escamillo

È un grande onore per me; cercherò di non esserne indegno quando combatterò sotto i vostri occhi.

 

 

(Tutti escono, tranne Carmen, Frasquita, Mercedes e Lillas Pastia.)

 

{ n. 14 bis - Uscita di Escamillo }

 

 

Scena III

Carmen, Mercedes, Frasquita, Pastia.

 

{ Dialogo }

frasquita (a Pastia)

Perché eri così ansioso di farli andar via e ci hai fatto segno di non seguirli?…

 

 

pastia

Sono appena arrivati il Dancairo e il Remendado… devono parlarvi dei vostri affari, degli affari d’Egitto.

 

carmen

Il Dancairo e il Remendado?…

 

pastia (aprendo una porta e chiamando col gesto)

Sì, eccoli… prego…

 

(Entrano il Dancairo e il Remendado. Pastia chiude le porte, le imposte ecc., poi esce.)

 

 

Scena IV

Carmen, Mercedes, Frasquita, il Dancairo, il Remendado.

 

frasquita

Ebbene, le notizie?

 

il dancairo

Non troppo male, le notizie; arriviamo da Gibilterra…

 

 

il remendado

Bella città, Gibilterra… ci si vedono degli inglesi, molti inglesi, begli uomini gli inglesi; un po’ freddi, ma distinti.

 

il dancairo

Remendado!…

 

il remendado

Capo.

 

il dancairo (mettendo la mano al coltello)

Chiaro?

 

il remendado

Chiarissimo, capo…

 

il dancairo

Zitto, allora. Arriviamo da Gibilterra, e ci siamo messi d’accordo con un padrone di vascello per sbarcare mercanzie inglesi. Li aspetteremo vicino alla costa, ne nasconderemo una parte sulla montagna e faremo passare il resto.

Tutti i nostri compagni sono stati avvisati… sono qui, nascosti, ma Abbiamo da fare un po’ di affari. Ma c’è bisogno di voi soprattutto di voi tre… partirete con noi…

 

carmen (ridendo)

Per far che? per aiutarvi a portare i fagotti? Bisogno di noi?

 

il remendado

Oh! no… far portare dei fagotti alle signore… non sarebbe distinto.

 

il dancairo (minaccioso)

Remendado?

 

il remendado

Sì, capo.

 

il dancairo

Non vi faremo portare i fagotti, ma abbiamo bisogno di voi per un’altra faccenda. Sì, di voi!

 

{ n. 15 - Quintetto }

Abbiamo in mente un affare…

 

mercedes, frasquita

Un buon affare, diteci?

 

il dancairo

Eccellente, mia cara;

Ma abbiamo bisogno di voi!

 

il remendado

Sì, abbiamo bisogno di voi!

 

carmen, frasquita, mercedes

Di noi?

Che! avete bisogno di noi?

 

il remendado, il dancairo

Di voi!

Sì, abbiamo bisogno di voi!

Poiché, lo confessiamo umilmente

E rispettosissimamente:

Quando si tratta d’inganno,

Di truffa,

E ladroneccio,

È sempre bene, in fede mia,

Avere le donne con sé.

E senza di loro,

Mie bellissime,

Non si fa mai nulla

Di buono!

 

mercedes, frasquita, carmen

Che! senza di noi mai nulla

Di buono?

 

il remendado, il dancairo

Non siete d’accordo?

 

mercedes, frasquita, carmen

Ma certo, io sono

D’accordo.

 

tutti e cinque

Quando si tratta d’inganno ecc.

 

il dancairo

È fatta, allora; verrete?

 

mercedes, frasquita

Quando vorrete.

 

il dancairo

Ma… subito…

 

carmen

Ah! un momento… un momento!

Se voi volete andare… andate!

Ma io non vi accompagno.

Non vengo… non vengo!

 

il dancairo, il remendado

Carmen, amor mio, tu verrai,

E non avrai mai il coraggio

Di lasciarci nelle peste!

 

mercedes, frasquita

Ah! Carmen mia, verrai!

 

il dancairo

Ma, Carmen, la ragione, almeno, la dirai!

 

tutti e quattro

La ragione!

 

carmen

La dirò certamente.

 

tutti e quattro

Vediamo!

 

carmen

La ragione è che in questo momento…

 

tutti e quattro

Ebbene?

 

carmen

Sono innamorata!

 

il remendado, il dancairo

Cosa ha detto?

 

mercedes, frasquita

Dice che è innamorata!

 

tutti e quattro

Innamorata!

 

carmen

Sì, innamorata!

 

il dancairo

Via, Carmen, non scherzare!

 

carmen

Innamorata da perdere la testa!

 

il remendado, il dancairo (con ironia)

La cosa, certo, ci stupisce,

Ma non è la prima volta

Che avete saputo, carina,

Far marciare insieme il dovere e l’amore.

 

carmen (francamente)

Amici, sarei ben contenta

Di partire con voi questa sera;

Ma, ora, se non vi spiace,

Bisogna che l’amore passi prima del dovere;

Questa sera l’amore passa prima del dovere!

 

il dancairo

Ma è proprio questa la tua ultima parola?

 

carmen

Assolutamente!

 

il remendado

Bisogna che ti lasci convincere!

 

tutti e quattro

Devi venire, Carmen, devi venire!

Per il nostro affare,

È necessario; poiché, fra noi…

 

carmen

Quanto a ciò, sono d’accordo con voi…

 

tutti e cinque

Quando si tratta d’inganno ecc.

{ Dialogo }

il dancairo

Ne ho abbastanza; ho detto che dovevi venire, e tu verrai… sono io il capo…

 

carmen

Come dici?

 

il dancairo

Ti dico che sono io il capo…

 

carmen

E credi che ti obbedirò?…

 

il dancairo (furioso)

Carmen!…

 

carmen (calmissima)

Ebbene!…

 

il remendado

(gettandosi fra il Dancairo e Carmen)

Vi prego… persone così distinte…


il dancairo

(misurandogli un calcio che il Remendado evita)

Prendi questo, tu…

 

il remendado (rialzandosi)

Capo!…

 

il dancairo

Cosa c’è?

 

il remendado

Nulla, capo!

 

il dancairo

Innamorata… non è una ragione, questa.

 

il remendado

Certo che non lo è… anch’io sono innamorato, e questo non m’impedisce di rendermi utile.

 

 

carmen

Andate senza di me… verrò a raggiungervi domani… ma questa sera, resto…

 

frasquita

Non ti ho mai visto così; ma chi aspetti?

 

 

carmen

Un povero diavolo di soldato che mi ha fatto un favore…

 

mercedes

Il soldato che era in prigione?

 

carmen

Sì…

 

frasquita

E a cui, quindici giorni fa, il carceriere ha consegnato di nascosto un pane dove c’era una moneta d’oro e una lima?…

 

carmen (avvicinandosi alla finestra)

Sì.

 

il dancairo

Se ne è servito di quella lima?…

 

carmen (c.s.)

No.

 

il dancairo

Lo vedi! il tuo soldato avrà avuto paura di essere punito ancora più duramente; anche stasera avrà paura… avrai un bel socchiudere le imposte e guardare se arriva, scommetto che non verrà.

 

carmen

Non scommettere, perderesti…

 

{ n. 16 - Canzone }

don josé (fra le quinte, da molto lontano)

Altolà!

Chi va là?

Dragone d’Alcalá!

Dove vai di là,

Dragone d’Alcalá?

Io vado a gettare

Nella polvere

Il mio rivale.

Se è così,

Passate, amico.

Affare d’onore,

Affare di cuore;

Per noi tutto è là,

Dragoni d’Alcalá!

 

(Mentre canta, Carmen, il Dancairo, il Remendado, Mercedes e Frasquita, dalle imposte socchiuse, guardano venire Don José.)

 

{ Dialogo }

mercedes

È un dragone, in fede mia.

 

frasquita

E un bel dragone.

 

il dancairo (a Carmen)

Ebbene, poiché non vuoi venire che domani, sai almeno cosa dovresti fare?


carmen

Cosa dovrei fare?…

 

il dancairo

Dovresti convincere il tuo dragone a venire con te e a unirsi a noi.

 

carmen

Ah!… se si potesse!… ma non bisogna pensarci… sono sciocchezze… è troppo stupido.

 

il dancairo

Perché l’ami, se ammetti tu stessa…

 


carmen

Perché è un bel ragazzo e perché mi piace.

 

il remendado (fatuo)

Il capo non lo capisce, lui… che basti essere un bel ragazzo per piacere alle donne…

 

il dancairo

Aspetta un momento, tu, aspetta un momento…

 

(Il Remendado scappa ed esce. Il Dancairo lo insegue ed esce a sua volta portando con sé Mercedes e Frasquita che cercano di calmarlo.)

 

don josé (la voce si avvicina a poco a poco)

Altolà! Chi va là?

Dragone d’Alcalá!

Dove vai di là,

Dragone d’Alcalá?

Fedele e puntuale,

Vado dove mi chiama

L’amore della mia bella!

Se è così ecc.

 

(Compare Don José.)

 

 

Scena V

Don José, Carmen, poi Pastia.

{ Dialogo }

carmen

Eccoti… finalmente… Che felicità!

 

don josé

Solo due ore fa sono uscito di prigione.

Carmen!

 

carmen

Chi ti impediva di uscire prima? Ti avevo mandato una lima e una moneta d’oro… con la lima bisognava segare la sbarra più grossa della prigione… con la moneta d’oro bisognava, dal primo rigattiere incontrato, cambiare la tua uniforme con un abito borghese. Esci di prigione?

 

don josé

Certo, tutto questo era possibile.

Ci sono rimasto due mesi. E per te, ci sarei restato anche di più.

 

carmen

Perché non l’hai fatto?

 

don josé

Che vuoi farci? ho ancora il mio onore di soldato, e disertare mi pareva un vero delitto… Oh! non è che per questo te ne sia meno riconoscente… Mi hai mandato una lima e una moneta d’oro… La lima mi servirà per affilare la lancia e la conservo come tuo ricordo.

(tendendole la moneta d’oro)

Quanto al denaro…

 

carmen

Toh, l’ha conservato!… tanto meglio…

(gridando e battendo le mani)

Olà!… Lillas Pastia, olà!… mangiamoci tutto… sei tu a offrire… olà! olà!…

 

(Entra Pastia.)


pastia
(impedendole di gridare)

Ma attenta…

 

carmen (gettandogli la moneta)

Tieni, prendi… e portaci frutta candita; portaci dolci, portaci arance, portaci manzanilla… portaci tutto quello che hai, tutto, tutto…

 

 

pastia

Subito, signorina Carmencita.

(Esce.)

 

carmen (a José)

Ce l’hai con me, allora, e rimpiangi di esserti fatto mettere in prigione per i miei begli occhi?

 

don josé

Quanto a questo, no, di certo.

 

carmen

Davvero.

 

don josé

Mi hanno messo in prigione, mi hanno tolto il grado, ma non me ne importa.

 

carmen

Perché mi ami, dunque?

 

don josé

Sì, perché ti amo, perché Io? ti adoro.

 

carmen

(mettendo le mani fra le mani di José)

Pago i miei debiti: è la nostra legge, la legge di noi zingare… Pago i miei debiti… pago i miei debiti…

(Rientra Lillas Pastia portando su un vassoio arance, dolci, frutta candita, manzanilla.)

Metti tutto qui… con un colpo solo, non avere paura…

(Pastia obbedisce e la metà degli oggetti cade a terra.)

Non importa, raccoglieremo tutto quanto noi… scappa ora, scappa, scappa via!

 

(Pastia esce.)

Mettiti là e mangiamo di tutto! di tutto! di tutto!

(Lei è seduta; Don José le si siede di fronte.)

 

don josé

Sgranocchi i dolci come un bambino di sei anni…

 

 

carmen

È perché mi piacciono… Il tuo tenente era qui un momento fa, con altri ufficiali, ci hanno mi ha fatto ballare la romalis…

 

don josé

Tu hai ballato? Come, a te?

 

carmen

Sì; e quando ho finito, il tuo tenente si è permesso di dire che mi adorava…

 

don josé

Carmen!…

 

carmen

Che cos’hai?… Saresti per caso Sei geloso?…

 

 

don josé

Ma certo Sì che sono geloso…

 

carmen

Ah bene!… Va’ là, canarino!… sei un vero canarino, d’abito e di carattere… via, non t’arrabbiare… perché sei geloso? perché un momento fa ho danzato per quegli ufficiali… Ebbene, se vuoi, ora danzerò per te, solo per te.

 

don josé

Se voglio, certo che voglio…

 

carmen

Dove sono le mie nacchere?… che ne ho fatto delle mie nacchere?

(ridendo)

Me le hai prese tu, le nacchere?

 

don josé

Ma no!

 

carmen (teneramente)

Ma sì, ma sì… sono sicura che sei stato tu… ah! bah! ecco delle nacchere.

(Rompe un piatto, con due pezzi di maiolica si fa delle nacchere e le prova…)

Ah! non valgono le mie nacchere… Ma dove sono?

 

 

don josé

(trovando le nacchere sulla tavola a destra)

Prendi! eccole.

 

carmen (ridendo)

Ah! lo vedi… sei tu che me le hai prese…

 

don josé

Ah! quanto ti amo, Carmen, quanto ti amo!

 

carmen

Lo spero bene.

{ n. 17 - Duetto }

(con allegria)

Danzerò in vostro onore,

E vedrete, signore,

Come so accompagnarmi nella danza!

 

(facendo sedere Don José)

Mettetevi là, Don José;

(con comica solennità)

Io comincio!

(danzando e accompagnandosi con le nacchere)

La la la la la la la la…

(Si sentono delle trombe lontanissime, fra le quinte.)

La la la la la la la la…

 

don josé (fermando Carmen)

Aspetta un po’ Carmen, solo un momento… fermati!

 

 

carmen (stupita)

Perché mai?

 

don josé

Mi sembra, laggiù…

(Le trombe si avvicinano.)

Sì, sono le nostre trombe che suonano la ritirata.

Non le senti?

 

carmen (con gioia)

Bene, bene! avevo un bel darmi da fare; è malinconico

Danzare senza orchestra… Evviva la musica

Che ci casca dal cielo!

(ballando e suonando le castagnette)

La la la la la la la la…

(Le trombe si allontanano.)

 

don josé

(fermando ancora Carmen)

Non m’hai capito. Carmen… è la ritirata,

Bisogna ch’io rientri al quartiere per l’appello!

 

carmen (stupefatta)

Al quartiere!… per l’appello!…

(scoppiando)

Ah! ero davvero stupida!

Mi facevo in quattro e mi mettevo a spendere,

Sì, mi mettevo a spendere

Per divertire il signore. Cantavo! ballavo!

Credo, Dio mi perdoni,

Che ancora un poco, e l’amavo!

Ta ra ta ta… Suona la tromba!

Ta ra ta ta… Se ne va… è già andato!

Vattene allora, canarino!

(con rabbia, gettandogli il suo sciaccò)

Tiè! prendi sciaccò, sciabola e giberna,

E vattene, ragazzo mio, torna in caserma!

 

don josé (con tristezza)

Fai male, Carmen, a ridere di me!

Soffro di andar via, perché mai,

Mai donna prima di te,

Così profondamente mi aveva turbato l’anima!

 

carmen

(esagerando il tono appassionato di Don José)

Soffre di andar via, perché mai,

Mai donna prima di me,

Così profondamente gli aveva turbato l’anima!

Ta ra ta ta… Mio Dio! è la ritirata!

Ta ra ta ta… sarò in ritardo!

O mio Dio! è la ritirata!

Sarò in ritardo! Perde la testa! corre!

Ecco il suo amore!

 

don josé

Così non credi

Al mio amore?

 

carmen

Ma no!

 

don josé

Ebbene! Mi ascolterai!

 

carmen

Non voglio sentire nulla!

 

don josé

Mi ascolterai!

 

carmen

Rischi di farti aspettare!

No! no!…

 

don josé

Sì, mi ascolterai!

(con violenza)

Lo voglio io, Carmen, mi ascolterai!

(Prende dalla giacca dell’uniforme il fiore di gaggìa che Carmen gli ha gettato al primo atto, mostra il fiore a Carmen.)

Il fiore che mi avevi gettato

Nella prigione mi era rimasto,

Secco e appassito, questo fiore,

Sempre serbava il suo dolce profumo;

E durante lunghe ore,

Chiudendo sugli occhi le palpebre,

Di questo profumo mi inebriavo

E ti vedevo nella notte!

Mi mettevo a maledirti,

A detestarti, a dirmi:

Perché mai il destino

L’ha messa là sul mio cammino!

Poi mi dicevo blasfemo,

E non sentivo in me,

Non sentivo che un desiderio solo, una sola speranza:

Di rivederti, o Carmen, sì, rivederti!

Poiché ti era bastato apparire,

E gettare uno sguardo su me,

Per prendere tutto il mio essere,

O mia Carmen! e appartenevo a te!

Carmen, ti amo!

 

carmen

No! non mi ami!

 

don josé

Cosa dici?

 

carmen

No! non mi ami!

No! Perché se tu mi amassi,

Laggiù, laggiù mi seguiresti!

 

don josé

Carmen!

 

carmen

Sì! Laggiù sulla montagna…

 

don josé

Carmen!

 

carmen

Laggiù, laggiù mi seguiresti!

Sul tuo cavallo mi prenderesti,

E come un prode attraverso la campagna,

In groppa via mi porteresti!

Laggiù, laggiù sulla montagna…

 

don josé (turbato)

Carmen!

 

carmen

Laggiù, laggiù, mi seguiresti!

Mi seguiresti, se mi amassi!

Nessuno che ti comanda;

Nessun ufficiale a cui obbedire,

Nessuna ritirata che suona

Per dire all’innamorato che è tempo di partire!

Il cielo aperto, la vita errante;

Per patria tutto l’universo; e per legge la tua volontà!

E soprattutto la cosa inebriante:

La libertà! La libertà!

 

don josé

Mio Dio!

 

carmen

Laggiù, laggiù sulla montagna,…

 

don josé (quasi vinto)

Carmen!

 

carmen

Laggiù, laggiù, se tu mi amassi…

 

don josé

Taci!

 

carmen

Laggiù, laggiù, mi seguiresti ecc.

 

don josé

Ah! Carmen, ohimè! taci!

Mio Dio!… ohimè!, pietà! ohimè!…

(strappandosi violentemente dalle braccia di Carmen)

No! Non ti voglio più ascoltare!

Lasciare la mia bandiera… disertare…

È l’onta… l’infamia!…

Non voglio!

 

carmen (duramente)

E allora! va’!

 

don josé (supplicando)

Carmen, ti prego!

 

carmen

No! Non ti amo più!

 

don josé

Ascolta!

 

carmen

Va’! Ti odio!

 

don josé

Carmen!

 

carmen

Addio! Ma addio per sempre!

 

don josé (con dolore)

Ebbene! sia! addio!

Addio per sempre!

 

carmen

Vattene!

 

don josé

Carmen! Addio! addio per sempre!

 

carmen

Addio!

(José si dirige verso la porta. Quando sta per aprirla, bussano. Silenzio.)

 

 

Scena VI

Gli stessi, Zuniga, poi il Dancairo, il Remendado, le zingare e gli zingari.


{ n. 18 - Finale }

zuniga (da fuori)

Olà! Carmen! olà! olà!

 

don josé

Chi bussa? chi è là?

 

carmen

Taci… taci!

 

zuniga (entrando dopo aver sfondato la porta)

Mi apro da solo… ed entro…

(Vede Don José; a Carmen)

Perbacco, bella mia!

La scelta non è felice!

Scende di livello

Chi si prende il soldato quando ha l’ufficiale.

(a Don José)

Via, fila!

 

don josé (calmo, ma deciso)

No!

 

zuniga (con severità)

E invece sì! te ne andrai!

 

don josé

Non me ne andrò affatto!

 

zuniga (minacciando Don José)

Imbecille!

 

don josé (afferrando la sciabola)

Per Giove! ne pioveranno dei colpi!

 

carmen (gettandosi fra loro)

Al diavolo il geloso!

A me! a me!

(Gli zingari e le zingare si affacciano da ogni lato; a un gesto di Carmen, il Dancairo e il Remendado si gettano su Zuniga e lo disarmano.)

(a Zuniga con aria irridente)

Bell’ufficiale, bell’ufficiale, l’amore

Vi gioca ora un assai brutto tiro!

Non arrivate in buon punto!

Ohimè! e siamo obbligati,

Per non essere denunciati,

A custodirvi almeno… per un’ora.

 

il remendado, il dancairo

(a Zuniga, pistola in mano e con la più grande cortesia)

Mio caro signore,

Lasceremo, col vostro beneplacito,

Questa dimora;

E voi verrete con noi?

 

 

carmen (ridendo)

È una passeggiata.

 

il remendado, il dancairo

Acconsentite?

 

il dancairo, il remendado, gli zingari

Rispondete, amico.

 

zuniga (mettendosi allegramente il cuore in pace)

Certo,

Tanto più che le vostre ragioni

Sono di quelle irresistibili!

(sempre allegramente)

Ma attenti a voi!… più tardi!

 

il dancairo (con filosofia)

La guerra è guerra!…

Intanto, mio caro ufficiale,

Passate avanti senza farvi pregare!

 

il remendado, gli zingari

Passate avanti senza farvi pregare!

(Zuniga esce condotto dagli zingari.)

 

carmen (a Don José)

Sei dei nostri, ora?

 

don josé (sospirando)

Per forza!

 

carmen

Ah!

La frase non è galante!

Ma che importa! Dai… ti abituerai,

Quando vedrai

Come è bella, la vita errante!

Per patria l’universo; e per legge la tua volontà!

E soprattutto, la cosa inebriante:

La libertà! La libertà!

 

tutti (tranne Don José)

Amico, seguici nella campagna,

Vieni con noi verso la montagna,

Seguici e ti abituerai,

Quando vedrai, laggiù,

Come è bella, la vita errante ecc.

 

don josé (inebriato)

Ah!

La vita errante, il cielo aperto ecc.

 

{ Entr’acte }

 

Acte III

 

Un site sauvage dans la montagne.

 

 

Scène I

Carmen, José, Le Dancaïre, Le Remendado, Mercédès, Frasquita, bohémiennes et bohémiens.

Au lever du rideau quelques contrebandiers sont couchés ça et là enveloppés dans leurs manteaux. Entrée des bohémiens.

 

{ n. 19 - Sextuor et Chœur }

quelques bohémiens

Écoute, écoute, compagnon, écoute!

La fortune est là-bas, là-bas!

Mais prends garde, pendant la route,

Prends garde de faire un faux pas!

Écoute, compagnon, écoute, écoute etc.

 

mercédès, frasquita, carmen, don josé,
le remendado, le dancaïre

Notre métier est bon, mais pour le faire il faut

Avoir une âme forte!

Et le péril est en haut,

Il est en bas, il est en haut,

Il est partout, qu’importe!

Nous allons en avant sans souci du torrent,

Sans souci du torrent, sans souci de l’orage!

Sans souci du soldat qui là-bas nous attend,

Et nous guette au passage!

Sans souci nous allons en avant!

Écoute, écoute, compagnon, écoute etc.

 

tous les bohémiens

Ami, là-bas est la fortune,

Écoute, écoute, compagnon,

Prends garde, pendant la route,

Prends garde de faire un faux pas!

Oui, la fortune est là-bas!

Prends garde de faire un faux pas!

 

mercédès, frasquita, les bohémiennes

Écoute, compagnon, écoute etc.

 

don josé, le remendado, le dancaïre,

les bohémiens

Compagnon, écoute etc.

 

tous

Prends garde! Prends garde!

 

{ Dialogue }

le dancaïre

Halte! nous allons nous arrêter ici… ceux qui on sommeil pourront dormir pendant une demi-heure…

 

le remendado (s’étendant avec volupté)

Ah!

 

le dancaïre

Je vais, moi, voir s’il y a moyen de faire entrer les marchandises dans la ville… une brèche s’est faite dans le mur d’enceinte et nous pourrions passer par là: malheureusement on a mis un factionnaire pour garder cette brèche.

 

don josé

Lillas Pastia nous a fait savoir que, cette nuit, ce factionnaire serait un homme à nous…

 

le dancaïre

Oui, mais Lillas Pastia a pu se tromper… le factionnaire qu’il veut dire a pu être changé… Avant d’aller plus loin je ne trouve pas mauvais de m’assurer par moi-même…

 

(appelant)

Remendado!…

 

le remendado (se réveillant)

Hé?

 

le dancaïre

Debout, tu vas venir avec moi…

 

le remendado

Mais, patron…

 

le dancaïre

Qu’est-ce que c’est?

 

le remendado (se levant)

Voilà, patron, voilà!…

 

le dancaïre

Allons, passe devant.

 

le remendado

Et moi, qui rêvais que j’allais pouvoir dormir… C’était un rêve, hélas, c’était un rêve!

(Il sort suivi du Dancaïre.)

 

 

Scène II

Les mêmes, moins le Dancaïre et le Remendado.

Pendant la scène entre Carmen et José, quelques bohémiens allument un feu près duquel Mercédès et Frasquita viennent s’asseoir, les autres se roulent dans leurs manteaux, se couchent et s’endorment.

 

don josé

Voyons, Carmen… si je t’ai parlé trop durement, je t’en demande pardon, faisons la paix.

 

carmen

Non.

 

don josé

Tu ne m’aimes plus alors?

 

carmen

Ce qui est sûr c’est que je t’aime beaucoup moins qu’autrefois… et que si tu continues à t’y prendre de cette façon-là, je finirai par ne plus t’aimer du tout… Je ne veux pas être tourmentée ni surtout commandée. Ce que je veux, c’est être libre et faire ce qui me plaît.

 

don josé

Tu es le diable, Carmen?

 

carmen

Oui. Qu’est-ce que tu regardes là, à quoi penses-tu?…

 

don josé

Je me dis que là-bas… à sept ou huit lieues d’ici tout au plus, il y a un village, et dans ce village une bonne vielle femme qui croit que je suis encore un honnête homme…

 

carmen

Une bonne vieille femme?

 

don josé

Oui; à ma mère.

 

carmen

Ta mère… Eh bien là, vrai, tu ne ferais pas mal d’aller la retrouver, car décidément tu n’es pas fait pour vivre avec nous… chien et loup ne font pas longtemps bon ménage…

 

don josé

Carmen…

 

carmen

Sans compter que le métier n’est pas sans péril pour ceux qui, comme toi, refusent de se cacher quand ils entendent les coups de fusil… plusieurs des nôtres y ont laissé leur peau, ton tour viendra.

 

don josé

Et le tien aussi… si tu me parles encore de nous séparer et si tu ne te conduis pas avec moi comme je veux que tu conduises… Nous séparer? Écoute, si tu redis ce mot…

 

carmen

Tu me tuerais, peut-être?...

(José ne répond pas.)

À la bonne heure… j’ai vu plusieurs fois dans les cartes que nous devions finir ensemble.

(faisant claquer ses castagnettes)

Bah! arrive qui plante…

 

don josé

Tu es le diable!, Carmen?…

 

carmen

Mais oui, je te l’ai déjà dit…

 

(Elle tourne le dos à José et va s’asseoir près de Mercédès et de Frasquita. Après un instant d’indécision, José s’éloigne à son tour et va s’étendre sur les rochers. Pendant les dernières répliques de la scène, Mercédès et Frasquita ont étalé des cartes devant elles.)

 

{ n. 20 - Trio }

mercédès

Mêlons!

 

frasquita

Mêlons!

 

mercédès

Coupons!

 

frasquita

Coupons!

 

mercédès

Bien! c’est cela!

 

frasquita

Bien! c’est cela!

 

mercédès

Trois cartes ici…

 

frasquita

Trois cartes ici…

 

mercédès

Quatre là!

 

frasquita

Quatre là!

 

mercédès, frasquita

Et maintenant, parlez, mes belles,

De l’avenir, donnez-nous des nouvelles…

 

mercédès

Dites-nous qui nous trahira!

 

frasquita

Dites-nous qui nous trahira!

 

mercédès

Dites-nous qui nous aimera!

 

frasquita

Dites-nous qui nous aimera!

 

mercédès, frasquita

Parlez, parlez!

Dites-nous qui nous trahira,

Dites-nous qui nous aimera!

 

frasquita

Parlez!

 

mercédès

Parlez!

 

frasquita

Moi, je vois un jeune amoureux

Qui m’aime on ne peut davantage.

 

mercédès

Le mien est très riche et très vieux;

Mais il parle de mariage!

 

frasquita (fièrement)

Il me campe sur son cheval,

Et dans la montagne il m’entraîne!

 

mercédès

Dans un château presque royal,

Le mien m’installe en souveraine!

 

frasquita

De l’amour à n’en plus finir,

Tous les jours, nouvelles folies!

 

mercédès

De l’or tant que j’en puis tenir,

Des diamants, des pierreries!

 

frasquita

Le mien devient un chef fameux,

Cent hommes marchent à sa suite!

 

mercédès

Le mien… en croirai-je mes yeux?

Oui… Il meurt!

(avec joie)

Ah! je suis veuve et j’hérite!

 

mercédès, frasquita

Ah!

Parlez encor, parlez, mes belles etc.

Dites-nous qui nous trahira!

Dites-nous qui nous aimera!

 

mercédès

Fortune!

 

frasquita

Amour!

 

carmen

Voyons, que j’essaie à mon tour.

(Carmen tourne les cartes de son côté.)

Carreau! Pique! La mort!

J’ai bien lu!… moi d’abord, ensuite lui…

Pour tous les deux, la mort!

En vain, pour éviter les réponses amères,

En vain tu mêleras!

Cela ne sert à rien, les cartes sont sincères

Et ne mentiront pas!

Dans le livre d’en haut si ta page est heureuse,

Mêle et coupe sans peur,

La carte sous tes doigts se tournera joyeuse,

T’annonçant le bonheur!

Mais si tu dois mourir, si le mot redoutable

Est écrit par le sort,

Recommence vingt fois, la carte impitoyable

Répétera: la mort!

(tournant les cartes)

Encor! Encor! Toujours la mort!

 

mercédès, frasquita

Parlez encor, parlez, mes belles etc.

Parlez encor! Parler encor!

Dites-nous qui nous trahira,

Dites-nous qui nous aimera!

 

carmen

Encor! Le désespoir!

La mort! la mort!

Encor… la mort!

 

mercédès

Fortune!

 

frasquita

Amour!

 

carmen

Toujours la mort!

 

mercédès

Encor!

 

mercédès, frasquita

Encor!

 

mercédès, frasquita, carmen

Encor! encor!

 

(Rentrent le Dancaïre et le Remendado.)

 

 

Scène III

Les mêmes, Le Dancaïre, Le Remendado, les bohémiennes, le bohémiens.

 

{ Dialogue }

carmen

Eh bien?…

 

frasquita

La route est-elle libre?

 

le dancaïre

Eh bien, j’avais raison de ne pas me fier aux renseignements de Lillas Pastia; nous n’avons pas trouvé son factionnaire, mais en revanche nous avons aperçu trois J’ai vu des douaniers qui gardaient la brèche et qui la gardaient bien, je vous assure… Il faut nous en débarrasser.

 

carmen

Savez-vous les noms à ces douaniers?

 

le remendado

Certainement nous savons leurs noms; qui est-ce qui connaîtrait les douaniers si nous ne les connaissions pas?… Il y avait Eusebio, Perez et Bartolomé…

 

frasquita

Eusebio…

 

mercédès

Perez…

 

carmen

Et Bartolomé…

(en riant)

N’ayez pas peur, Dancaïre, nous vous en répondons de vos trois douaniers… C’est bon. Ne vous inquiétez pas. On s’occupe de vos douaniers.

 

don josé (furieux)

Carmen!…

        

le dancaïre

Ah! toi, tu vas nous laisser tranquilles avec ta jalousie… le jour vient et nous n’avons pas de temps à perdre… En route, les enfants…

(On commence à prendre les ballots.)

Quant à toi,

(s’adressant à José)

Je te confie la garde des marchandises que nous n’emporterons pas… Tu vas te placer là, sur cette hauteur… tu y seras à merveille pour voir si nous sommes suivis…; dans le cas où tu apercevrais quelqu’un, je t’autorise à passer ta colère sur l’indiscret. Nous y sommes?…

 

le remendado

Oui, patron.

 

le dancaïre

En route alors…

(aux femmes)

Mais vous ne vous flattez pas, vous me répondez vraiment de ces trois douaniers?

 

carmen

N’ayez pas peur, Dancaïre.

 

{ n. 21 - Morceau d’ensemble }

mercédès, frasquita, carmen

Quant au douanier, c’est notre affaire!

Tout comme un autre, il aime à plaire,

Il aime à faire le galant!

Ah! Laissez-nous passer en avant!

 

mercédès, frasquita, carmen,

les bohémiennes

Quant au douanier, c’est notre affaire etc.

Ah! Laissez-nous passer en avant!

 

le remendado, le dancaïre, les bohémiens

Quant au douanier, c’est leur affaire!

Ah! Laissons-les passer en avant!

 

tous

Il aime à plaire!

 

mercédès

Le douanier sera clément!

 

tous

Il est galant!

 

carmen

Le douanier sera charmant!

 

tous

Il aime à plaire!

 

frasquita

Le douanier sera galant!

 

mercédès

Oui, le douanier sera même entreprenant!

 

mercédès, frasquita, carmen

Oui, le douanier, c’est notre affaire etc.

 

le remendado, le dancaïre, les bohémiens

Quant au douanier, c’est leur affaire etc.

 

mercédès, frasquita, carmen

Il ne s’agit pas de bataille;

Non, il s’agit tout simplement

De se laisser prendre la taille

Et d’écouter un compliment.

S’il faut aller jusqu’au sourire,

Que voulez-vous! on sourira!

 

mercédès, frasquita, carmen,

les bohémiennes

Et d’avance, je puis le dire,

La contrebande passera!

En avant! marchons! allons! en avant!

Le douanier, c’est notre affaire etc.

 

le remendado, le dancaïre, les bohémiens

Le douanier, c’est leur affaire etc.

 

(Sortie générale.)

 

 

Scène IV

Le guide, puis Micaëla.

{ Dialogue }

le guide

(s’avance avec précaution, puis fait un signe à Micaëla que l’on ne voit pas encore)

Nous y sommes.

 

micaëla (entrant)

C’est ici.

 

le guide

Oui, vilain endroit, n’est-ce pas, et pas rassurant du tout?

 

micaëla

Je ne vois personne.

 

le guide

Ils viennent de partir, mais ils reviendront bientôt car ils n’ont pas emporté toutes leurs marchandises… je connais leurs habitudes… prenez garde… l’un de leurs doit être en sentinelle quelque part et si l’on nous apercevait…

 

micaëla

Je l’espère bien qu’on m’apercevra… puisque je suis venue ici tout justement pour parler à… pour parler à un de ces contrebandiers…

 

le guide

Eh bien là, vrai, vous pouvez vous vanter d’avoir du courage… tout à l’heure quand nous nous sommes trouvés au milieu de ce troupeau de taureaux sauvages que conduisait le célèbre Escamillo, vous n’avez pas tremblé… Et maintenant venir ainsi affronter ces Bohémiens…

 

micaëla

Je ne suis pas facile à effrayer.

 

le guide

Vous dites cela parce que je suis près de vous, mais si vous étiez toute seule…

 

micaëla

Je n’aurais pas peur, je vous assure.

 

le guide

Bien vrai?…

 

micaëla

Bien vrai…

 

le guide (naïvement)

Alors je vous demanderai la permission de m’en aller. J’ai consenti à vous servir de guide parce que vous m’avez bien payé; mais maintenant que vous êtes arrivée… si ça ne vous fait rien, j’irai vous attendre là, où vous m’avez pris… à l’auberge qui est au bas de la montagne.

 

micaëla

C’est cela, allez m’attendre!

 

le guide

Vous restez décidément?

 

micaëla

Oui, je reste!

 

le guide

Que tous les saints du paradis vous soient en aide alors!

 

(Il sort.)

 

 

Scène V

Micaëla seule.

 

micaëla (regardant autour d’elle)

Mon guide avait raison… l’endroit n’a rien de rassurant…

{ n. 22 - Air }

Je dis que rien ne m’épouvante,

Je dis, hélas! que je réponds de moi;

Mais j’ai beau faire la vaillante,

Au fond du coeur, je meurs d’effroi!

Seule en ce lieu sauvage,

Toute seule j’ai peur,

Mais j’ai tort d’avoir peur;

Vous me donnerez du courage,

Vous me protégerez, Seigneur!

Je vais voir de près cette femme

Dont les artifices maudits

Ont fini par faire un infâme

De celui que j’aimais jadis!

Elle est dangereuse… elle est belle!…

Mais je ne veux pas avoir peur!…

Je parlerai haut devant elle…

Ah! Seigneur, vous me protégerez!

Seigneur, vous me protégerez! ah!

Je dis que rien ne m’épouvante etc.

Protégez moi! Ô Seigneur!

Donnez moi du courage!

Protégez moi! Ô Seigneur!

{ Dialogue }

Mais… je ne me trompe pas… à cents pas d’ici… sur ce rocher, c’est Don José.

(appelant)

José! José!

(avec terreur)

Mais que fait-il? il ne regarde pas de mon côté… il arme sa carabine, il ajuste… il fait feu…

(On entend un coup de feu.)

Ah! mon Dieu, j’ai trop présumé de mon courage… j’ai peur… j’ai peur…

 

(Elle disparaît derrière les rochers. Au même moment, entre Escamillo tenant son chapeau à la main.)

 

 

Scène VI

Escamillo, puis Don José.

 

escamillo (regardant son chapeau)

Quelques lignes plus bas… et ce n’est pas moi qui, à la course prochaine, aurais eu le plaisir de combattre les taureaux que je suis en train de conduire…

(Entre José.)

 

don josé (son couteau à la main)

Qui êtes-vous? Vôtre nom, répondez.

 

escamillo (très calme)

Eh là… doucement!  

{ n. 23 - Duo }

Je suis Escamillo, toréro de Grenade.

 

don josé

Escamillo!

 

escamillo

C’est moi!

 

don josé

Je connais votre nom.

Soyez le bienvenu; mais vraiment, camarade,

Vous pouviez y rester.

 

escamillo

(avec insouciance)

Je ne vous dis pas non.

Mais je suis amoureux, mon cher, à la folie!

(gaîment)

Et celui-là serait un pauvre compagnon

Qui pour voir ses amours ne risquerait sa vie!

 

don josé

Celle que vous aimez est ici?

 

escamillo

Justement.

C’est une zingara, mon cher…

 

don josé

Elle s’appelle?

 

escamillo

Carmen.

 

don josé

Carmen!

 

escamillo

Carmen, oui, mon cher.

Elle avait pour amant,

Un soldat qui jadis a déserté pour elle.

 

don josé (à part)

Carmen!

 

escamillo

Ils s’adoraient! mais c’est fini, je crois,

Les amours de Carmen ne durent pas six mois.

 

don josé

Vous l’aimez cependant!

 

escamillo

Je l’aime!

 

don josé

Vous l’aimez cependant!…

 

escamillo

Je l’aime,

Oui, mon cher, je l’aime,

Je l’aime à la folie!

 

don josé

Mais pour nous enlever nos filles de Bohême,

Savez-vous bien qu’il faut payer?

 

escamillo (gaîment)

Soit! on paiera, soit! on paiera.

 

don josé (menaçant)

Et que le prix se paie à coups de navaja!

 

escamillo (surpris)

À coups de navaja!

 

don josé

Comprenez-vous?

 

escamillo (avec ironie)

Le discours est très net.

Ce déserteur, ce beau soldat qu’elle aime,

Ou du moins qu’elle aimait, c’est donc vous?

 

don josé

Oui, c’est moi-même!

 

escamillo

J’en suis ravi, mon cher!

Et le tour est complet!

 

don josé

Enfin ma colère

Trouve à qui parler,

Le sang, je l’espère,

Va bientôt couler!

 

escamillo

Quelle maladresse,

J’en rirais, vraiment!

Chercher la maîtresse

Et trouver l’amant!

 

don josé, escamillo

Mettez-vous en garde

Et veillez sur vous!

Tant pis pour qui tarde

À parer les coups!

(Ils se mettent en garde.)

 

escamillo

Je la connais, ta garde navarraise,

Et je te préviens en ami

Qu’elle ne vaut rien.

(Don José, sans répondre marche sur Escamillo.)

À ton aise!

Je t’aurai du moins averti.

(Combat. Escamillo, très calme, cherche seulement à se défendre.)

 

don josé (furieux)

Tu m’épargnes, maudit!

 

escamillo

À ce jeu de couteau,

Je suis trop fort pour toi!

 

don josé

Voyons cela!

 

(Le combat recommence. Don José se trouve à la merci d’Escamillo.)

 

escamillo

Tout beau!

Ta vie est à moi,

(noblement)

Mais en somme,

J’ai pour métier de frapper le taureau,

Non de trouer le coeur de l’homme!

 

don josé

Frappe ou bien meurs! ceci n’est pas un jeu!

 

escamillo

Soit! mais au moins, respire un peu!

 

don josé

En garde!

 

escamillo

En garde!

 

don josé, escamillo

Mettez-vous en garde etc.

 

(La navaja d’Escamillo se brise. Don José va le frapper.)

 

 

 

Scène VII

Les mêmes, Carmen, le Dancaïre, le Remendado, Micaëla, Mercédès, Frasquita, les bohémiennes et les bohémiens.

{ n. 24 - Final }

carmen (arrêtant le bras de Don José)

Holà! holà! José!

 

escamillo (à Carmen)

Vrai! j’ai l’âme ravie

Que ce soit vous, Carmen, qui me sauviez la vie!

(à Don José, gaîment mais avec fierté)

Quant à toi, beau soldat:

Nous sommes manche à manche,

Et nous jouerons la belle,

Le jour où tu voudras reprendre le combat!

 

le dancaïre (s’interposant)

C’est bon, c’est bon! plus de querelle!

Nous, nous allons partir.

(à Escamillo)

Et toi… et toi l’ami, bonsoir!

 

escamillo

Souffrez au moins qu’avant de vous dire au revoir,

Je vous invite tous aux courses de Séville.

Je compte pour ma part y briller de mon mieux.

Et qui m’aime y viendra!

(regardant Carmen)

Et qui m’aime y viendra!

(froidement à Don José, qui a fait un geste menaçant)

L’ami, tiens-toi tranquille!

J’ai tout dit…

(regardant Carmen)

Oui, j’ai tout dit… et je n’ai plus ici qu’à faire mes adieux!…

 

(Escamillo sort lentement. Don José veut s’élancer sur lui, mais il est retenu par le Dancaïre et le Remendado.)

 

don josé

(à Carmen, menaçant, mais contenu)

Prends garde à toi… Carmen, je suis las de souffrir!

 

le dancaïre

En route, en route, il faut partir!

 

tous les bohémiens

En route, en route, il faut partir!

 

le remendado

Halte! quelqu’un est là qui cherche à se cacher.

(Il amène Micaëla.)

 

carmen

Une femme!

 

le dancaïre

Pardieu! la surprise est heureuse!

 

don josé (reconnaissant Micaëla)

Micaëla!

 

micaëla (avec joie)

Don José!

 

don josé

Malheureuse!

Que viens-tu faire ici?

 

micaëla

Moi! je viens te chercher!

Là-bas est la chaumière

Où sans cesse priant,

Une mère, ta mère,

Pleure, hélas! sur son enfant!

Elle pleure et t’appelle,

Elle pleure et te tend les bras!

Tu prendras pitié d’elle,

José, ah! José, tu me suivras!

 

carmen (à Don José)

Va-t’en, va-t’en, tu feras bien,

notre métier ne te vaut rien!

 

don josé (à Carmen)

Tu me dis de la suivre!…

 

carmen

Oui, tu devrais partir.

 

don josé

Tu me dis de la suivre…

Pour que toi… tu puisses courir

Après ton nouvel amant!

Non! non vraiment!

(résolument)

Dût-il m’en coûter la vie,

Non, Carmen, je ne partirai pas!

Et la chaîne qui nous lie

Nous liera jusqu’au trépas!…

 

micaëla (à Don José)

Écoute-moi, je t’en prie,

Ta mère te tend les bras!

Cette chaîne qui te lie,

José, tu la briseras!

 

mercédès, frasquita, le remendado,

le dancaïre, les bohémiennes,

les bohémiens

(à Don José)

Il t’en coûtera la vie,

José, si tu ne pars pas,

Et la chaîne qui vous lie

Se rompra par ton trépas!

 

don josé (à Micaëla)

Laisse-moi!

 

micaëla

Hélas! José!

 

don josé

Car je suis condamné!

 

mercédès, frasquita, le remendado,
le dancaïre, les bohémiennes,

les bohémiens

José! prends garde!

 

don josé

(saisissant Carmen, avec emportement)

Ah! je te tiens, fille damnée!

Je te tiens, et je te forcerai bien

À subir la destinée

Qui rive ton sort au mien!

Dût-il m’en coûter la vie,

Non, je ne partirai pas!

 

mercédès, frasquita, le remendado,
le dancaïre, les bohémiennes,

les bohémiens

Ah! prends garde, Don José!

 

micaëla (avec autorité)

Une parole encore;

(tristement)

Ce sera la dernière!

Hélas, José, ta mère se meurt… et ta mère

Ne voudrait pas mourir sans t’avoir pardonné!

 

don josé

Ma mère! elle se meurt!

 

micaëla

Oui, Don José!

 

don josé

Partons! ah! partons!

(Il fait quelques pas; puis, s’arrêtant, à Carmen)

Sois contente… je pars… mais… nous nous reverrons!

(Don José entraîne Micaëla; en entendant la voix d’Escamillo, il s’arrête hésitant.)

 

escamillo (dans la coulisse)

Toréador, en garde etc.

 

(Carmen veut s’élancer; Don José, menaçant, lui barre le passage.)

 

{ Intermezzo }

 

Atto III

 

Un luogo selvaggio sulla montagna.

 

 

Scena I

Carmen, Don José, il Dancairo, il Remendado, Mercedes, Frasquita, zingare e zingari.

Al levarsi del sipario alcuni contrabbandieri sono coricati qua e là avvolti nei loro mantelli. Entrata degli zingari.

 

{ n. 19 - Sestetto e Coro }

alcuni zingari

Ascolta, compagno, ascolta!

La fortuna è laggiù, laggiù;

Ma attento, lungo la strada,

Attento a non fare un passo falso!

Ascolta, compagno, ascolta ecc.

 

mercedes, frasquita, carmen, don josé,
il remendado, il dancairo

Il nostro mestiere è bello; ma per farlo bisogna

Avere un’anima forte!

Il pericolo è in alto,

È in basso, è in alto,

È dovunque, che importa!

Andiamo avanti incuranti del torrente,

Incuranti del torrente, incuranti della tempesta!

Incuranti del soldato che ci aspetta laggiù,

Di vedetta al nostro passaggio,

Incuranti andiamo avanti!

Ascolta, ascolta, compagno ecc.

 

tutti gli zingari

Amico, è laggiù la fortuna,

Ascolta, ascolta, compagno,

Attento, lungo la strada,

Attento a non fare un passo falso!

Sì, la fortuna è laggiù!

Attento a non fare un passo falso!

 

mercedes, frasquita, carmen, le zingare

Ascolta, compagno, ascolta ecc.

 

don josé, il remendado, il dancairo,

gli zingari

Compagno, ascolta ecc.

 

tutti

Attento! Attento!

 

{ Dialogo }

il dancairo

Alt! ci fermeremo qui… quelli che hanno sonno potranno dormire una mezz’ora…

 

 

il remendado (stendendosi con voluttà)

Ah!

 

il dancairo

Io, invece, vado a vedere se c’è mezzo di far entrare le mercanzie in città… si è fatta una breccia nel muro di cinta e potremmo passare di là: purtroppo hanno messo una sentinella per far la guardia alla breccia.

 

 

don josé

Lillas Pastia ci ha fatto sapere che, questa notte, la sentinella sarà uno dei nostri…

 

il dancairo

Sì, ma Lillas Pastia potrebbe essersi sbagliato… la sentinella di cui parla potrebbe essere cambiata… Prima di proseguire, non mi sembra una cattiva idea controllare personalmente…

(chiamando)

Remendado!…

 

il remendado (svegliandosi)

Eh?

 

il dancairo

In piedi, tu vieni con me…

 

il remendado

Ma, capo…

 

il dancairo

Che c’è?…

 

il remendado (alzandosi)

Ecco fatto, capo!…

 

il dancairo

Andiamo, passa davanti.

 

il remendado

E io che sognavo di poter dormire… Era un sogno, ohimè, era un sogno!

(Esce, seguito dal Dancairo.)

 

 

Scena II

Gli stessi, tranne il Dancairo e il Remendado.

Durante la scena fra Carmen e José, alcuni zingari accendono un fuoco presso il quale vengono a sedersi Mercedes e Frasquita, gli altri si avvolgono nei loro mantelli, si stendono per terra e si addormentano.

 

don josé

Su, Carmen… se ti ho parlato troppo duramente, ti chiedo scusa, facciamo la pace.

 

carmen

No.

 

don josé

Non mi ami più allora?

 

carmen

Di sicuro, ti amo molto meno di prima… e se continui a comportarti in quel modo, finirò per non amarti del tutto… Non voglio che mi si tormenti, e soprattutto che mi si comandi. Quello che voglio, è essere libera e fare quello che mi piace.

 


don josé

Sei il diavolo, Carmen?

 

carmen

Sì. Cosa stai guardando là, a cosa pensi?…

 

 

don josé

Mi dico che laggiù… a sette o otto leghe al massimo da qui, c’è un villaggio, e in questo villaggio una buona vecchia che mi crede ancora un uomo onesto…


carmen

Una buona vecchia?

 

don josé

Sì; a mia madre.

 

carmen

Tua madre… Ma allora, davvero, non faresti male ad andare da lei, poiché decisamente non sei fatto per vivere con noi… cani e lupi non vanno d’accordo…

 

 

don josé

Carmen…

 

carmen

Senza contare che il mestiere non è senza pericolo per quelli che, come te, rifiutano di nascondersi quando sentono i colpi di fucile… molti dei nostri ci hanno lasciato la pelle, verrà il tuo turno.

 

don josé

E anche il tuo… se mi parli ancora di separarci e se non ti comporti con me come voglio io… Lasciarci? Ascolta, se dici un’altra volta…

 

carmen

Mi uccideresti, forse?…

(José non risponde.)

Alla buon’ora… ho visto spesso nelle carte che dovevamo finire insieme.

(facendo suonare le sue nacchere)

Bah! accada quel che deve…

 

don josé

Sei il diavolo!, Carmen?…

 

carmen

Ma sì, te l’ho già detto…

 

(Volta le spalle a José e va a sedersi presso Mercedes e Frasquita. Dopo un istante d’indecisione, José si allontana a sua volta e va a sdraiarsi sulle rocce. Durante le ultime battute, Mercedes e Frasquita hanno messo davanti a sé delle carte da gioco.)

 

{ n. 20 - Terzetto }

mercedes

Mescoliamo!

 

frasquita

Mescoliamo!

 

mercedes

Tagliamo!

 

frasquita

Tagliamo!

 

mercedes

Va bene così!

 

frasquita

Va bene così!

 

mercedes

Tre carte qui…

 

frasquita

Tre carte qui…

 

mercedes

Quattro là!

 

frasquita

Quattro là!

 

mercedes, frasquita

Ed ora, parlate, mie belle,

Dell’avvenire dateci novelle…

 

mercedes

Diteci chi ci tradirà!

 

frasquita

Diteci chi ci tradirà!

 

mercedes

Diteci chi ci amerà!

 

frasquita

Diteci chi ci amerà!

 

mercedes, frasquita

Parlate, parlate!

Diteci chi ci tradirà,

Diteci chi ci amerà!

 

frasquita

Parlate!

 

mercedes

Parlate!

 

frasquita

Io vedo un giovane innamorato

Che mi ama quanto più non si può.

 

mercedes

Il mio è molto ricco e vecchio;

Ma parla di matrimonio!

 

frasquita (fieramente)

Mi mette sul suo cavallo,

Mi porta sulla montagna!

 

mercedes

In un castello quasi regale,

Il mio mi installa sovrana!

 

frasquita

Amore a non finire,

Ogni giorno, nuove follie!

 

mercedes

Oro quanto ne posso prendere,

Diamanti, pietre preziose!

 

frasquita

Il mio diventa un capo famoso,

Dietro a lui marciano cento uomini!

 

mercedes

Il mio… non credo ai miei occhi!

Sì… Muore!

(con gioia)

Ah! sono vedova ed eredito!

 

mercedes, frasquita

Ah!

Parlate ancora, parlate, mie belle ecc.

Diteci chi ci tradirà,

Diteci chi ci amerà!

 

mercedes

Fortuna!

 

frasquita

Amore!

 

carmen

Vediamo, ch’io provi a mia volta.

(Carmen a sua volta gira le carte.)

Quadri! Picche! La morte!

Ho letto bene… prima io, poi lui…

Per tutti e due, la morte!

Invano per evitare risposte amare,

Invano le mischierai,

Non serve a nulla, le carte sono sincere

E non mentiranno!

Se nel libro di lassù la tua pagina è fortunata,

Mischia e taglia senza paura;

La carta si volterà con gioia sotto le tue dita,

Annunciandoti la felicità!

Ma se devi morire, se la tremenda parola

È scritta dalla sorte,

Ricomincia venti volte, la carta impietosa

Ripeterà: la morte!

(voltando le carte)

Ancora! Ancora! Sempre la morte!


mercedes
, frasquita

Parlate ancora, parlate, mie belle ecc.

Parlate ancora! Parlate ancora!

Diteci chi ci tradirà,

Diteci chi ci amerà!

 

carmen

Ancora! La disperazione!

La morte! La morte!

Ancora… la morte!

 

mercedes

Fortuna!

 

frasquita

Amore!

 

carmen

Sempre la morte!

 

mercedes

Ancora!

 

mercedes, frasquita

Ancora!

 

mercedes, frasquita, carmen

Ancora! ancora!

 

(Rientrano il Dancairo e il Remendado.)

 

 

Scena III

Le stesse, il Dancairo, il Remendado, le zingare, gli zingari.

 

{ Dialogo }

carmen

Ebbene?…

 

frasquita

La strada è libera?

 

il dancairo

Ebbene, avevo ragione a non fidarmi delle informazioni di Lillas Pastia; non abbiamo trovato la sua sentinella, ma, in cambio, abbiamo trovato tre Ho visto dei doganieri che custodivano la breccia, e che la custodivano bene, potete credermi… Dobbiamo liberarcene.

 

carmen

Sapete i nomi, di questi doganieri?

                         

il remendado

Certo che li sappiamo; chi conosce i doganieri meglio di noi?… C’erano Eusebio, Perez e Bartolomeo…

 


frasquita

Eusebio…

 

mercedes

Perez…

 

carmen

E Bartolomeo…

(ridendo)

Non temete, Dancairo, rispondiamo noi, dei vostri tre doganieri… Sta bene. Non vi preoccupate. Ci occupiamo noi dei vostri doganieri

 

don josé (furioso)

Carmen!…

 

il dancairo

Ah! ma tu ci lascerai tranquilli, con la tua gelosia… si fa giorno e non abbiamo tempo da perdere… In cammino, ragazzi…

(Cominciano a prendere gli involti.)

Quanto a te,

(rivolgendosi a José)

ti affido la guardia delle mercanzie che non porteremo con noi… Va’ a metterti là, in alto… sarai piazzato benissimo per vedere se siamo seguiti… nel caso in cui scorgessi qualcuno, t’autorizzo a sfogare la tua ira sull’indiscreto. Siamo pronti?…

 

 

il remendado

Sì, capo.

 

il dancairo

In cammino allora…

(alle donne)

Ma siete sicure, rispondete davvero di quei tre doganieri?


carmen

Niente paura, Dancairo.

 

{ n. 21 - Pezzo d’assieme }

mercedes, frasquita, carmen

È affar nostro, il doganiere!

Come ogn’altro, ama piacere,

Ama fare il galante!

Ah! Lasciateci passare avanti!

 

mercedes, frasquita, carmen,

le zingare

È affar nostro il doganiere ecc.

Ah! Lasciateci passare avanti!


il remendado
, il dancairo, gli zingari

È affar loro il doganiere!

Ah! Lasciatele passare avanti!

 

tutti

Ama piacere!

 

mercedes

Il doganiere sarà clemente!

 

tutti

È galante!

 

carmen

Il doganiere sarà affascinante!

 

tutti

Ama piacere!

 

frasquita

Il doganiere sarà galante!

 

mercedes

Sì, il doganiere sarà perfino intraprendente!

 

mercedes, frasquita, carmen

Sì, è affar nostro, il doganiere ecc.

 

il remendado, il dancairo, gli zingari

È affar loro, il doganiere ecc.

 

mercedes, frasquita, carmen

Non si tratta di battaglia;

No, si tratta semplicemente

Di lasciarsi prendere alla vita

E di ascoltare un complimento.

Se bisogna arrivare al sorriso,

Che volete? si sorriderà!

 

mercedes, frasquita, carmen,

le zingare

E lo posso già anticipare,

Il contrabbando passerà!

Avanti in marcia! andiamo! avanti!

È affar nostro, il doganiere ecc.

 

il remendado, il dancairo, gli zingari

È affar loro, il doganiere ecc.

 

(Uscita generale.)

 

 

Scena IV

La guida, poi Micaela.

{ Dialogo }

la guida

(avanza con precauzione, poi fa un segno a Micaela che non è ancora visibile)

Ci siamo.

 

micaela (entrando)

È qui.

 

la guida

Sì, brutto posto, vero? e per nulla rassicurante!

 

 

micaela

Non vedo nessuno.

 

la guida

Sono appena partiti, ma ritorneranno presto, poiché non hanno portato via tutte le loro mercanzie… conosco le loro abitudini… state attenta… uno di loro deve essere di sentinella da qualche parte, e se ci scorgessero…

 

micaela

Spero proprio che mi scorgano… poiché sono venuta qui appunto per parlare a… per parlare a uno di quei contrabbandieri…

 

la guida

Quanto a questo, potete vantarvi di averne, del coraggio… un momento fa, quando ci siamo trovati in mezzo a quella mandria di tori guidati dal celebre Escamillo, non avete tremato… E ora, venire ad affrontare così questi zingari…

 

 

micaela

Non mi spavento facilmente.

 

la guida

Dite così perché ci sono io vicino a voi, ma se foste sola…

 

micaela

Non avrei paura, vi assicuro.

 

la guida

Davvero?…

 

micaela

Davvero…

 

la guida (ingenuamente)

Allora vi chiederò il permesso di andarmene. Ho acconsentito a farvi da guida perché mi avete pagato bene; ma, ora che siete arrivata… se non vi importa, andrò ad aspettarvi dove mi avete trovato… all’albergo che sta ai piedi della montagna.

 

 

micaela

D’accordo, andate ad aspettarmi!

 

la guida

Voi restate, è deciso?

 

micaela

Sì, resto!

 

la guida

Che tutti i santi del paradiso vi soccorrano, allora!

 

 

(Esce.)

 

 

Scena V

Micaela sola.

 

micaela (guardando intorno a sé)

La guida aveva ragione… il posto non è rassicurante.

 

{ n. 22 - Aria }

Dico che nulla mi spaventa,

Dico, ahimè!, che rispondo di me;

Ma ho un bel fare la coraggiosa,

In fondo al cuore muoio di paura!

Sola in questo luogo selvaggio,

Tutta sola ho paura,

Ma ho torto di aver paura;

Voi mi darete forza,

Voi mi proteggerete, Signore!

Vado a vedere da vicino quella donna

Le cui arti maledette

Hanno finito col fare un infame

Dell’uomo che un tempo amai!

È pericolosa… è bella!…

Ma non voglio aver paura!…

Parlerò schietto davanti a lei…

Ah! Voi mi proteggerete, Signore!

Voi mi proteggerete, Signore! Ah!

Dico che nulla mi spaventa ecc.

Proteggetemi! O Signore!

Datemi coraggio!

Proteggetemi! O Signore!

{ Dialogo }

Ma… non mi sbaglio… a cento passi da qui… su quella roccia, c’è Don José.

(chiamando)

José, José!

(con terrore)

Ma cosa fa?… non guarda dalla mia parte… arma la carabina, prende la mira… spara…

(Si sente un colpo d’arma da fuoco.)

Ah! mio Dio, ho sopravvalutato il mio coraggio… ho paura… ho paura.

 

(Scompare dietro le rocce. Nello stesso momento entra Escamillo col cappello in mano.)

 

 

Scena VI

Escamillo, poi Don José.

 

escamillo (guardando il suo cappello)

Qualche centimetro più in basso… e non sarei stato io, alla prossima corrida, ad aver il piacere di combattere i tori che sto guidando…

(Entra José.)

 


don josé
(con in mano il coltello)

Chi siete? Il vostro nome, rispondete.

 

escamillo (calmissimo)

Ehi là… calma!

{ n. 23 - Duetto }

Sono Escamillo, torero di Granada!

 

don josé

Escamillo!

 

escamillo

Sono io!

 

don josé

Conosco il vostro nome,

Siate il benvenuto; ma davvero, amico,

Potevate restarci secco.

 

escamillo

(con noncuranza)

Non dico di no.

Ma sono innamorato, mio caro, alla follia!

(con allegria)

E sarebbe un pover’uomo

Chi, per vedere il suo amore, non rischiasse  la vita!

 

don josé

Quella che amate è qui?

 

escamillo

Appunto.

È una zingara, mio caro…

 

don josé

Si chiama?

 

escamillo

Carmen.

 

don josé

Carmen!

 

escamillo

Carmen! sì, mio caro.

Aveva per amante

Un soldato che per lei divenne disertore.

 

don josé (a parte)

Carmen!

 

escamillo

Si adoravano! ma è finita, credo,

Gli amori di Carmen non durano sei mesi.

 

don josé

Eppure voi l’amate!

 

escamillo

L’amo!

 

don josé

Eppure voi l’amate!…

 

escamillo

L’amo,

Sì, mio caro, l’amo,

L’amo alla follia!

 

don josé

Ma per rapirci le nostre zingare,

 

Sapete bene che si deve pagare?


escamillo
(con allegria)

D’accordo! si pagherà. D’accordo! si pagherà.

 

don josé (minaccioso)

E che il prezzo si paga a colpi di navaja!

 

escamillo (sorpreso)

A colpi di navaja!

 

don josé

Capite?

 

escamillo (con ironia)

Il discorso è chiaro.

Quel disertore, quel bel soldato che lei ama,

O almeno che amava, siete voi, allora?

 

don josé

Sì, in persona!

 

escamillo

A meraviglia, mio caro,

Così il cerchio si chiude!

 

don josé

Infine la mia collera

Trova quello a cui parlare!

Il sangue, lo spero,

Presto comincerà a scorrere!

 

escamillo

Che disdetta,

Da far ridere veramente!

Cercare l’amichetta

E trovarne l’amante!

 

don josé, escamillo

Mettetevi in guardia

E vegliate su voi!

Tanto peggio per chi tarda

A parare i colpi!

(Si mettono in guardia.)

 

escamillo

La conosco, la tua guardia navarrese,

E ti prevengo, da amico,

Che non vale niente.

(Don José, senza rispondere, avanza su Escamillo.)

Come vuoi tu!

Ti avrò almeno avvertito

(Si battono. Escamillo, calmissimo, cerca solo di difendersi.)

 

don josé (furioso)

Mi stai risparmiando, maledetto!

 

escamillo

A questo gioco di coltello,

Sono troppo forte per te!

 

don josé

La vedremo!

 

(Ricomincia il combattimento. Don José si trova alla mercé di Escamillo.)

 

escamillo

Perfetto!

La tua vita è mia,

(con nobiltà)

Ma insomma,

Il mio mestiere è di colpire il toro,

Non di bucare il cuore dell’uomo!

 

don josé

Colpisci o muori! questo non è un gioco!

 

escamillo

D’accordo! ma almeno prendi fiato!

 

don josé

In guardia!

 

escamillo

In guardia!

 

don josé, escamillo

Mettetevi in guardia ecc.

 

(La navaja di Escamillo si spezza. Don José sta per colpirlo.)

 

 

Scena VII

Gli stessi, Carmen, il Dancairo, il Remendado, Micaela, Mercedes, Frasquita, le zingare, gli zingari.

 

{ n. 24 - Finale }

carmen (fermando il braccio di Don José)

Olà! olà! José!

 

escamillo (a Carmen)

In verità! ho l’anima rapita

Che siate voi, Carmen, a salvarmi la vita!

(a Don José, con allegria ma con fierezza)

Quanto a te, bel soldato:

Siamo pari,

E ci giocheremo la bella

Quando vorrai riprendere il duello!

 

il dancairo (interponendosi)

Bene, bene! basta liti!

Noi ce ne andiamo.

(a Escamillo)

E tu… e tu, amico, buonasera.

 

escamillo

Accettate almeno che prima di dirvi arrivederci,

Vi inviti tutti alle corride di Siviglia.

Per parte mia conto brillarvi al meglio.

E chi m’ama verrà!

(guardando Carmen)

E chi m’ama verrà!

(freddamente a Don José, che ha fatto un gesto minaccioso)

Amico, sta’ calmo!

Ho detto tutto.

(guardando Carmen)

Ho detto tutto!… E devo solo fare i miei saluti!…

 

(Escamillo esce lentamente. Don José vuole lanciarsi su di lui, ma è trattenuto dal Dancairo e dal Remendado.)

 

don josé

(a Carmen, minaccioso, ma contenuto)

Attenta a te… Carmen, sono stanco di soffrire!

 

il dancairo

In cammino, in cammino, bisogna partire!

 

tutti gli zingari

In cammino, in cammino, bisogna partire!

 

il remendado

Alt! c’è qualcuno che cerca di nascondersi.

(Conduce Micaela.)

 

carmen

Una donna!

 

il dancairo

Perdio! Che bella sorpresa!

 

don josé (riconoscendo Micaela)

Micaela!

 

micaela (con gioia)

Don José!

 

don josé

Infelice!

Che vieni a fare qui?

 

micaela

Io, io vengo a cercarti!

Laggiù c’è la casetta,

Dove, sempre pregando,

Una madre, tua madre,

Piange, ohimè!, su suo figlio!

Piange e ti chiama,

Piange e ti tende le braccia!

Avrai pietà di lei,

José, ah! José, mi seguirai!

 

carmen (a Don José)

Va’, va’, farai bene,

Il nostro mestiere non fa per te.

 

don josé (a Carmen)

Mi dici di seguirla!…

 

carmen

Sì, dovresti andartene.

 

don josé

Mi dici di seguirla…

Perché tu… possa correre

Dal tuo nuovo amante!

No! No davvero!

(risolutamente)

Dovesse costarmi la vita,

No, Carmen, non me ne andrò!

E la catena che ci lega

Ci legherà fino alla morte!…

 

micaela (à Don José)

Ascoltami, ti prego,

Tua madre ti tende le braccia!

Questa catena che ti lega,

José, tu la spezzerai!

 

mercedes, frasquita, il remendado,
il dancairo, le zingare,

gli zingari

(a Don José)

Ti costerà la vita,

José, se non te ne vai,

E la catena che vi lega

Si romperà con la tua morte!

 

don josé (a Micaela)

Lasciami!

 

micaela

Ohimè! José!

 

don josé

Poiché sono condannato!

 

mercedes, frasquita, il remendado,
il dancairo, le zingare,

gli zingari

José! sta’ attento!

 

don josé

(afferrando Carmen, senza più controllarsi)

Ah! ti tengo, maledetta,

Ti tengo, e saprò ben forzarti

A subire il destino

Che inchioda alla mia la tua sorte!

Dovesse costarmi la vita,

No, non me ne andrò!

 

mercedes, frasquita, il remendado,
il dancairo, le zingare,

gli zingari

Ah! sta’ attento, Don José!

 

micaela (con autorità)

Ancora una parola,

(tristemente)

Sarà l’ultima!

Ohimè! José, tua madre sta morendo… e tua madre

Non vorrebbe morire senza averti perdonato!

 

don josé

Mia madre! sta morendo!

 

micaela

Sì, Don José!

 

don josé

Partiamo! ah! partiamo!

(Fa qualche passo; poi, fermandosi, a Carmen)

Sarai contenta… io parto… ma… ci rivedremo!

(Don José conduce via Micaela; sentendo la voce di Escamillo, si ferma esitando.)

 

 

escamillo (dietro le quinte)

Toreador, attento ecc.

 

(Carmen sta per slanciarsi; Don José, minaccioso, le sbarra il passo.)

 

{ Entr’acte }

 

Acte IV

 

Une place à Séville.

Au fond du théâtre les murailles de vielles arènes. L’entrée du cirque est fermée par un long velum.

 

 

Scène I

Zuniga, Frasquita, Mercédès, marchands et marchandes, la foule, les enfants, une marchande d’oranges, un bohémien; puis Carmen et Escamillo.

 

{ n. 25 - Chœur }

marchands et marchandes déventails, doranges, de programmes, deau,

de cigarettes et de vin

À deux cuartos! À deux cuartos!

 

marchandes déventails

Des éventails pour s’éventer!

 

marchandes doranges

Des oranges pour grignoter!

 

marchands de programmes

Le programme avec les détails!

 

marchands de vins

Du vin!

 

marchands deau

De l’eau!

 

marchands de cigarettes

Des cigarettes!

 

tous les marchands

À deux cuartos!

Voyez! à deux cuartos!

Séñoras et caballeros!

 

zuniga

Des oranges… vite!

 

plusieurs marchandes doranges

(à Frasquita et à Mercédès)

En voici!

Prenez, prenez, mesdemoiselles.

 

une marchande doranges

(à Zuniga qui la paie)

Merci, mon officier, merci!

 

plusieurs marchandes doranges (à Zuniga)

Celles-ci, séñor, sont plus belles!

 

marchandes déventails

Des éventails pour s’éventer!

 

marchandes doranges

Des oranges pour grignoter!

 

marchands de programmes

Le programme avec les détails!

 

marchands de vin

Du vin!

 

marchands deau

De l’eau!

 

marchands de cigarettes

Des cigarettes!

 

zuniga

Holà! Des éventails!

 

un bohémien (à Zuniga qui le repousse)

Voulez-vous aussi des lorgnettes?

 

tous les marchands

À deux cuartos!

Voyez! à deux cuartos!

Séñoras et caballeros!

À deux cuartos! Voyez! voyez!

 

{ Dialogue }

zuniga

Qu’avez-vous donc fait de la Carmencita? Je ne la vois pas.

 

frasquita

Nous la verrons tout à l’heure… Escamillo est ici, la Carmencita ne doit pas être loin.

 

moralès

Ah! c’est Escamillo, maintenant?…

 

mercédès

Elle en est folle…

 

frasquita

Et son ancien amoureux José, sait-on ce qu’il est devenu?…

 

zuniga

Il a reparu dans le village où sa mère habitait… l’ordre avait même été donné de l’arrêter, mais quand les soldats sont arrivés, José n’était plus là…

 

mercédès

En sorte qu’il est libre?

 

zuniga

Oui, pour le moment.

 

frasquita

Hum! je ne serais pas tranquille à la place de Carmen, je ne serais pas tranquille du tout.

 

{ n. 26 - Marche et Chœur }

les enfants (entrant)

Les voici! les voici!

Voici la quadrille!

 

la foule

Les voici!

Oui, les voici!

Voici la quadrille!

 

la foule, les enfants

Les voici! voici la quadrille,

La quadrille des toréros!

Sur les lances, le soleil brille!

En l’air toques et sombréros!

Les voici, voici la quadrille,

La quadrille des toréros!

Les voici!

 

(Le défilé commence. Les paroles du chœur en indiquent la mise en scène.)

 

les enfants

Voici, débouchant sur la place,

Voici d’abord, marchant au pas,

L’alguazil à vilaine face.

À bas! à bas! à bas! à bas!

 

la foule

À bas l’alguazil! à bas!

 

les enfants

À bas! à bas! à bas! à bas!

 

la foule, les enfants

À bas!

 

(Entrée des chulos et des banderilleros.)

 

la foule

Et puis saluons au passage,

Saluons les hardis chulos!

Bravo! viva! gloire au courage!

Voici les hardis chulos!

Voyez les banderilleros,

Voyez quel air de crânerie!

Voyez! Voyez!

 

les enfants

Voyez!

 

la foule

Voyez quels regards, et de quel éclat

Étincelle la broderie

De leur costume de combat!

 

les enfants

Voyez!

 

la foule, les enfants

Voici les banderilleros!

 

les enfants

Une autre quadrille s’avance!

 

la foule

Une autre quadrille s’avance!

 

la foule, les enfants

Voyez les picadors! Comme ils sont beaux!

Comme ils vont du fer de leur lance

Harceler le flanc des taureaux!

 

la foule

L’Espada! L’Espada! L’Espada!

 

les enfants

Escamillo!

 

la foule

Escamillo! Escamillo! Escamillo!

 

(Escamillo ayant près de lui Carmen radieuse et dans un costume éclatant.)

 

la foule, les enfants

Escamillo!

C’est l’Espada, la fine lame,

Celui qui vient terminer tout,

Qui paraît à la fin du drame

Et qui frappe le dernier coup!

Vive Escamillo! Ah! bravo!

Les voici, voici la quadrille etc.

 

la foule

Escamillo! Bravo!

 

les enfants

Vive Escamillo!

Ah! Vive Escamillo!

 

la foule, les enfants

Vive Escamillo!

Ah! Vive Escamillo! Bravo!

 

escamillo (à Carmen)

Si tu m’aimes, Carmen, tu pourras, tout à l’heure,

Être fière de moi!

Si tu m’aimes!

 

carmen

Ah! je t’aime, Escamillo, et que je meure

Si j’ai jamais aimé quelqu’un autant que toi!

 

carmen, escamillo

Ah! je t’aime! Oui, je t’aime!

 

plusieurs voix

Place! place! place au seigneur alcade!

 

(L’alcade paraît au fond, accompagné d’alguazils, il entre dans le cirque, suivi de la quadrille, de la foule etc.)

 

frasquita

Carmen, un bon conseil… ne reste pas ici.

 

carmen

Et pourquoi, s’il te plaît?

 

mercédès

Il est là.

 

carmen

Qui donc?

 

mercédès

Lui!

Don José! dans la foule il se cache, regarde…

 

carmen

Oui, je le vois.

 

frasquita

Prends garde!

 

carmen

Je ne suis pas femme à trembler devant lui…

Je l’attends et je vais lui parler.

 

mercédès

Carmen, crois-moi, prends garde!

 

carmen

Je ne crains rien!

 

frasquita

Prends garde!

 

(La foule est entrée dans le cirque, Frasquita et Mercédès y pénètrent à leur tour. Carmen et Don José restent seuls.)

 

Scène II

Carmen, Don José, puis la foule.

 

{ n. 27 - Duo et Chœur final }

carmen (bref)

C’est toi!

 

don josé

C’est moi!

 

carmen

L’on m’avait avertie

Que tu n’étais pas loin, que tu devais venir;

L’on m’avait même dit de craindre pour ma vie;

Mais je suis brave! je n’ai pas voulu fuir.

 

don josé

Je ne menace pas… j’implore… je supplie!

Notre passé, Carmen, je l’oublie!

Oui, nous allons tous deux

Commencer une autre vie,

Loin d’ici, sous d’autres cieux!

 

carmen

Tu demandes l’impossible!

Carmen jamais n’a menti!

Son âme reste inflexible;

Entre elle et toi… tout est fini!

(mouvement de Don José)

Jamais je n’ai menti!

Entre nous tout est fini!

 

don josé

Carmen, il est temps encore,

Ô ma Carmen, laisse-moi

Te sauver, toi que j’adore,

(avec passion)

Ah! laisse-moi te sauver

Et me sauver avec toi!

 

carmen

Non! je sais bien que c’est l’heure,

Je sais bien que tu me tueras;

Mais que je vive ou que je meure,

Non, je ne te céderai pas!

 

don josé

Ah! il est temps encore etc.

 

carmen

Pourquoi t’occuper encore

D’un coeur qui n’est plus à toi!

Non, ce coeur n’est plus à toi.

En vain tu dis: je t’adore!

Tu n’obtiendras rien, non, rien de moi,

Ah! c’est en vain…

Tu n’obtiendras rien, rien de moi!

 

don josé (avec anxiété)

Tu ne m’aimes donc plus?

(avec désespoir)

Tu ne m’aimes donc plus!

 

carmen (tranquillement)

Non! je ne t’aime plus.

 

don josé

Mais moi, Carmen, je t’aime encore,

Carmen, hélas! moi, je t’adore!

 

carmen

À quoi bon tout cela? que de mots superflus!

 

don josé

Carmen, je t’aime, je t’adore!

Eh bien! S’il le faut, pour te plaire,

Je resterai bandit… tout ce que tu voudras…

Tout! tu m’entends… tout!

Mais ne me quitte pas,

Ô ma Carmen! ah!

Souviens-toi du passé! Nous nous aimions, naguère!

(désespéré)

Ah! ne me quitte pas, Carmen,

Ah! ne me quitte pas!

 

carmen

Jamais Carmen ne cédera!

Libre elle est née et libre elle mourra!

 

(En entendant la foule qui acclame Escamillo dans le cirque, Carmen fait un geste de joie. Don José ne la perd pas de vue. Sur la fin du chœur, Carmen veut entrer dans le cirque; mais Don José se place devant elle et lui barre le passage.)

 

la foule (dans le cirque)

Viva! Viva!

La course est belle!

Sur le sable sanglant

Le taureau s’élance!

Voyez! Voyez!

Le taureau s’élance en bondissant,

Voyez!

Frappé juste en plein cœur!

Voyez! Voyez!

Victoire!

 

don josé

Où vas-tu?

 

carmen

Laisse-moi.

 

don josé

Cet homme qu’on acclame,

C’est ton nouvel amant!

 

carmen

Laisse-moi… laisse-moi…

 

don josé

Sur mon âme,

Tu ne passeras pas,

Carmen, c’est moi que tu suivras!

 

carmen

Laisse-moi, Don José, je ne te suivrai pas.

 

don josé

Tu vas le retrouver, dis…

(avec rage)

Tu l’aimes donc?

 

carmen

Je l’aime!

Je l’aime et devant la mort même

Je répèterai que je l’aime!

 

(Nouvelle tentative de Carmen pour pénétrer dans le cirque. Don José l’arrête encore.)

 

la foule (dans le cirque)

Viva! Viva!

La course est belle!

Sur le sable sanglant etc.

 

don josé (avec violence)

Ainsi, le salut de mon âme

Je l’aurai perdu pour que toi,

Pour que tu t’en ailles, infâme,

Entre ses bras rire de moi!

Non, par le sang, tu n’iras pas!

Carmen, c’est moi que tu suivras!

 

carmen

Non, non! jamais!

 

don josé

Je suis las de te menacer!

 

carmen (avec colère)

Eh bien! frappe-moi donc, ou laisse-moi passer!

 

la foule (dans le cirque)

Victoire!

 

don josé (éperdu)

Pour la dernière fois, démon,

Veux-tu me suivre?

 

carmen

Non! non!

(arrachant de son doigt un anneau et le lançant à la volée)

Cette bague, autrefois, tu me l’avais donnée…

Tiens!

 

don josé

Eh bien! damnée!

 

(Il s’élance vers Carmen. Carmen veut fuir; mais Don José la rejoint à l’entrée du cirque. Il la frappe; elle tombe et meurt. Don José, éperdu, s’agenouille auprès.)


la foule
(dans le cirque)

Toréador, en garde etc.

 

(La foule entre en scène.)

 

don josé

Vous pouvez m’arrêter… c’est moi qui l’ai tuée!

Ah! Carmen! ma Carmen adorée!

 

 

{ Intermezzo }

 

Atto IV

 

Una piazza a Siviglia.

In fondo alla scena i muri di vecchie arene. L’entrata dell’arena è chiusa da un lungo tendale.

 

 

Scena I

Zuniga, Frasquita, Mercedes, venditori e venditrici, la folla, i bambini, una venditrice d’arance, uno zingaro; poi Carmen ed Escamillo.

 

{ n. 25 - Coro }

venditori e venditrici di ventagli, d’arance, di programmi, d’acqua,

di sigarette e di vino

A due cuartos! A due cuartos!

 

venditrici di ventagli

Ventagli per farsi vento!

 

venditrici d’arance

Arance da mordere!

 

venditori di programmi

Il programma particolareggiato!

 

venditori di vino

Vino!

 

venditori d’acqua

Acqua!

 

venditori di sigarette

Sigarette!

 

tutti i venditori

A due cuartos!

Vedete! a due cuartos!

Señoras e caballeros!

 

zuniga

Arance… presto!

 

parecchie venditrici d’arance

(a Frasquita e a Mercedes)

Eccole!

Prendete, prendete, signorine.

 

una venditrice d’arance

(a Zuniga che la paga)

Grazie, signor ufficiale, grazie!

 

parecchie venditrici d’arance (a Zuniga)

Queste sono più belle, señor!

 

venditrici di ventagli

Ventagli per farsi vento!

 

venditrici d’arance

Arance da mordere!

 

venditori di programmi

Il programma particolareggiato!

 

venditori di vino

Vino!

 

venditori d’acqua

Acqua!

 

venditori di sigarette

Sigarette!

 

zuniga

Olà! ventagli!

 

uno zingaro (a Zuniga che lo respinge)

Volete anche un binocolo?

 

tutti i venditori

A due cuartos!

Vedete! a due cuartos!

Señoras e caballeros!

A due cuartos! Vedete! vedete!

 

{ Dialogo }

zuniga

Ma che ne avete fatto della Carmencita? Non la vedo.

 

frasquita

La vedremo fra poco… Escamillo è qui, la Carmencita non deve essere distante.


morales

Ah! è Escamillo, adesso?…

 

mercedes

Ne va pazza…

 

frasquita

E il suo antico amante José, si sa com’è finito?...

 

 

zuniga

È riapparso nel villaggio dove abitava sua madre… era anche stato dato l’ordine di arrestarlo, ma, quando sono arrivati i soldati, José non era più là…

 

mercedes

Così è libero?

 

zuniga

Sì, per il momento.

 

frasquita

Mah! non sarei tranquilla io, al posto di Carmen, non sarei tranquilla per niente.

 

{ n. 26 - Marcia e Coro }

i bambini (entrando)

Eccoli! eccoli!

Ecco la cuadrilla!

 

la folla

Eccoli!

Sì, eccoli!

Ecco la cuadrilla!

 

la folla, i bambini

Eccoli! ecco la cuadrilla,

La cuadrilla dei toreri!

Sulle lance, il sole brilla!

In aria, cappelli e sombreri!

Eccoli! ecco la cuadrilla,

La cuadrilla dei toreri!

Eccoli!

 

(Comincia la sfilata. Le parole del coro ne indicano la scenografia.)

 

i bambini

Ecco che sbuca in piazza,

Ecco per primo, marciando al passo,

L’alguazil dalla brutta faccia.

Abbasso! abbasso! abbasso! abbasso!

 

la folla

Abbasso l’alguazil! abbasso!

 

i bambini

Abbasso! abbasso! abbasso! abbasso!

 

la folla, i bambini

Abbasso!

 

(Entrano chulos e banderilleros.)

 

la folla

E poi salutiamo al passaggio,

Salutiamo i chulos arditi!

Bravi! viva! gloria al coraggio!

Vedete i chulos arditi!

Vedete i banderilleros,

Vedete che aria spavalda!

Vedete! Vedete!

 

i bambini

Vedete!

 

la folla

Vedete che sguardi e con che splendore

Riluce il ricamo

Del loro costume da combattimento!

 

i bambini

Vedete!

 

la folla, i bambini

Ecco i banderilleros!

 

i bambini

Un’altra cuadrilla s’avanza!

 

la folla

Un’altra cuadrilla s’avanza!

 

la folla, i bambini

Vedete i picadores! Come sono belli!

Come incalzeranno col ferro della lancia

Il fianco dei tori!

 

la folla

L’Espada! L’Espada! L’Espada!

 

i bambini

Escamillo!

 

la folla

Escamillo! Escamillo! Escamillo!

 

(Appare Escamillo, con accanto a sé Carmen radiosa e in uno splendido costume.)

 

la folla, i bambini

Escamillo!

È l’Espada, lama fina,

Colui che viene a finire tutto,

Che appare a concludere il dramma

E che dà l’ultimo colpo!

Viva Escamillo! Ah! bravo!

Eccoli! ecco la cuadrilla ecc.

 

la folla

Escamillo! Bravo!

 

i bambini

Viva Escamillo!

Ah! Viva Escamillo!

 

la folla, i bambini

Viva Escamillo!

Ah! Viva Escamillo! Bravo!

 

escamillo (a Carmen)

Se mi ami, Carmen, potrai, fra poco,

Esser fiera di me!

Se mi ami!

 

carmen

Ah! io t’amo, Escamillo, e che io muoia

Se ho mai amato qualcuno quanto te!


carmen
, escamillo

Ah! t’amo! Sì, t’amo!

 

diverse voci

Largo! largo! largo al signor alcalde!

 

(L’alcalde compare nel fondo, accompagnato da alcuni alguazil, entra nell’arena, seguito dalla cuadrilla, dalla folla ecc.)

 

frasquita

Carmen, un buon consiglio… non restare qui.

 

carmen

E perché mai?

 

mercedes

È là.

 

carmen

E chi?

 

mercedes

Lui!

Don José! si nasconde nella folla, guarda…

 

carmen

Sì, lo vedo.

 

frasquita

Sta’ attenta!

 

carmen

Non sono donna da tremare davanti a lui…

L’aspetto, e gli vado a parlare.

 

mercedes

Carmen, credi a me, sta’ attenta!

 

carmen

Non temo nulla!

 

frasquita

Sta’ attenta!

 

(La folla è entrata nell’arena, Frasquita e Mercedes vi penetrano a loro volta. Carmen e Don José restano soli.)

 

 

Scena II

Carmen, Don José, poi la folla.

 

{ n. 27 - Duetto e Coro finale }

carmen (seccamente)

Sei tu!

 

don josé

Sono io!

 

carmen

Mi avevano avvertita

Che non eri lontano, che dovevi venire;

Mi avevano detto anche di temere per la mia vita;

Ma io sono coraggiosa e non ho voluto fuggire.

 

don josé

Io non minaccio… io imploro… supplico!

Il nostro passato, Carmen, lo dimentico!

Sì, cominceremo

Entrambi un’altra vita,

Lontano da qui, sotto altri cieli!

 

carmen

Tu chiedi l’impossibile!

Carmen non ha mai mentito;

La sua anima resta inflessibile;

Fra lei e te, tutto è finito.

(movimento di Don José)

Mai ho mentito!

Fra noi tutto è finito!

 

don josé

Carmen, è tempo ancora…

O mia Carmen, lasciami

Salvarti, te che adoro,

(con passione)

Ah! lasciami salvarti

E salvarmi con te!

 

carmen

No! so bene che è l’ora,

So che mi ucciderai;

Ma, ch’io viva o che muoia,

No, non cederò a te!

 

don josé

Ah! è tempo ancora ecc.

 

carmen

Perché pensare ancora

A un cuore che non è più tuo!

No, questo cuore non è più tuo.

Invano dici: t’adoro!

Non otterrai nulla, nulla da me.

Ah! è vano…

Non otterrai nulla, nulla da me!

 

don josé (con ansia)

Allora non mi ami più?

(disperato)

Allora non mi ami più!

 

carmen (con tranquillità)

No! non ti amo più.

 

don josé

Ma io, Carmen, t’amo ancora,

Carmen, ohimè!, io t’adoro!

 

carmen

A che serve tutto ciò? quante inutili parole!

 

don josé

Carmen, io t’amo, io t’adoro!

Ebbene! se occorre, per piacerti,

Resterò bandito… tutto quello che vorrai…

Tutto! Capisci… tutto!

Ma non mi lasciare,

O mia Carmen! ah!

Ricordati del passato! Poco fa ci amavamo!

 

(disperato)

Ah! non mi lasciare, Carmen,

Ah! non mi lasciare!

 

carmen

Mai Carmen cederà!

Libera è nata e libera morrà!

 

(Sentendo la folla che acclama Escamillo nell’arena, Carmen fa un gesto di gioia. Don José non la perde di vista. Verso la fine del coro, Carmen vuole entrare nell’arena; ma Don José si pone davanti a lei e le sbarra il passo.)

 

la folla (nell’arena)

Viva! Viva!

La corrida è bella!

Sulla sabbia insanguinata,

Il toro si slancia!

Vedete! Vedete!

Il toro si slancia balzando,

Vedete!

Colpito giusto al cuore!

Vedete! Vedete!

Vittoria!

 

don josé

Dove vai?

 

carmen

Lasciami.

 

don josé

Quest’uomo che acclamano,

È il tuo nuovo amante!

 

carmen

Lasciami… lasciami…

 

don josé

Sull’anima mia,

Non passerai,

Carmen, è me che seguirai!

 

carmen

Lasciami, Don José, non ti seguirò.

 

don josé

Vai da lui, vero…

(con rabbia)

L’ami dunque?

 

carmen

L’amo!

L’amo e davanti alla morte stessa

Ripeterò che l’amo!

 

(Nuovo tentativo di Carmen per penetrare nell’arena. Don José la ferma ancora.)

 

la folla (nell’arena)

Viva! Viva!

La corrida è bella!

Sulla sabbia insanguinata ecc.

 

don josé (con violenza)

Così, la salvezza dell’anima

L’avrò perduta perché tu,

Tu te ne vada, infame,

Fra le sue braccia a ridere di me!

No, perdio, non andrai,

Carmen, è me che seguirai!

 

carmen

No, no, mai!

 

don josé

Sono stanco di minacciarti!

 

carmen (con collera)

Ebbene! colpiscimi allora, o lasciami passare!

 

la folla (nell’arena)

Vittoria!

 

don josé (sperduto)

Per l’ultima volta, demonio,

Vuoi seguirmi?

 

carmen

No, no!

(strappandosi dal dito un anello e gettandolo via)

 

Questo anello, me l’avevi dato un giorno…

Prendi!

 

don josé

Ebbene! dannata!

 

(Si slancia verso Carmen. Carmen vuole fuggire; ma Don José la raggiunge all’entrata dell’arena. La colpisce; Carmen cade e muore. Don José, smarrito, s’inginocchia accanto a lei.)

 

la folla (nell’arena)

Toreador, attento ecc.

 

(La folla entra in scena.)

 

don josé

Potete arrestarmi… sono io che l’ho uccisa!

Ah! Carmen! mia Carmen adorata!